Absurde, déjantée, loufoque, sans queue ni tête... Voilà quelques-uns des adjectifs qui nous viennent à l'esprit en assistant à la nouvelle pièce du collectif Le Projet Bocal. Intitulée simplement Le Spectacle, à l'affiche de La Licorne, en codiffusion avec La Manufacture, la production est un ovni théâtral, qui pourrait atterrir sur la planète des humoristes (déjà surpeuplée, on s'entend !), si elle n'était pas conduite par trois solides interprètes.

Après Le Projet Bocal en 2013 et Oh Lord en 2014, cette troisième création de la compagnie formée par Sonia Cordeau, Simon Lacroix et Raphaëlle Lalande, auxquels vient s'ajouter le collaborateur Yves Morin, est donc un étrange objet scénique.

Le Spectacle se trouve à mi-chemin entre une revue d'humour improbable et une comédie futuriste et dadaïste, moderne baroque.

Vous êtes perdu? Ce n'est qu'un début. Le Spectacle est une pièce sans histoire ni sujet, sans trame narrative ni fil conducteur. On parle à la fois de robots et de Marie-Antoinette; de Pierre Lebeau et de micropuces; de René Angélil et de Shakespeare; en passant par Fort Boyard, Elvis Gratton et le théâtre symboliste... Or, cette proposition n'est pas aussi dénuée de sens, absurde, comme on pourrait le croire.

Dans un décor tout blanc fait entièrement de styromousse - une matière qui sert à la fois d'accessoire et de thème -, le trio d'auteurs-interprètes joue plusieurs courtes scènes à un rythme fou, comme s'il participait à un marathon en quête de sens. 

Apartés, décrochages, mise en abyme lient les saynètes. Par moments, le ton devient sérieux, dramatique. Le théâtre n'est pas là pour changer le monde ? Nous rendre plus humains, « tous ensemble » ? Même si l'air du temps est, souvent, aussi léger que du styrofoam, ce ne sont pas les sujets sérieux et importants qui manquent pour inspirer des créateurs: la fragilité de nos démocraties, l'inégalité des classes, l'information à l'ère des réseaux sociaux, et puis, la mort qui est tout au bout...

Le Spectacle provoque et déstabilise les spectateurs pour mieux leur faire prendre conscience de l'importance de la représentation théâtrale. Ce court spectacle (75 minutes sans entracte) est, sous ses inoffensives parures, une critique du théâtre qui se regarde le nombril, de la prétention des artistes qui prêchent aux convertis. Un spectacle qui s'amuse avec le paradoxe de la création.

* * * 1/2

Le Spectacle. De et avec Sonia Cordeau, Simon Lacroix, Raphaëlle Lalande et Yves Morin. À la Petite Licorne, jusqu'au 23 décembre.