On connaît les «grands» chiffres du Festival de jazz: 1,5 million d'entrées, 2000 musiciens, 400 spectacles gratuits, etc. Pour pousser plus avant notre connaissance statistique de l'événement, Daniel Lemay a compilé diverses données sur quelques autres aspects spécifiques du FIJM, dont la présence des femmes sur scène, l'âge et l'origine des musiciens et le prix des billets. Certaines données vont à l'encontre de quelques solides préjugés...

Des vedettes de tous les âges

Ils sont «Les enfants du jazz», du nom du recueil de nouvelles de F. Scott Fitzgerald (Tales of the Jazz Age, 1922), cette ère du jazz qui a vu le monde «moderne» découvrir l'avion, le téléphone... et le jazz des big bands. Ils sont nés entre 1918 et 1930, soit entre la fin de la Première Guerre mondiale et la crise économique si souvent évoquée ces temps-ci. Vus de notre siècle, on pourrait dire qu'ils sont les pères du jazz.

Ladies and gentlemen, accueillons le sextette américain Octogénazz:

> Dave Brubeck, pianiste, 1920, 89 ans;

> George Wein, pianiste, 1925, 83 ans;

> Tony Bennett, chanteur, 1926, 82 ans;

> Lee Konitz, saxophoniste, 1927, 81 ans;

>Sheila Jordan, chanteuse, 1928, 80 ans;

> Ornette Coleman, saxophoniste, 1930, 79 ans.

Chez les Québécois, la gérontocratie musicale est représentée cette année par le pianiste Oliver Jones, 75 ans, qui inaugure aujourd'hui la nouvelle salle Astral avec la chanteuse Ranee Lee (67 ans), le batteur Guy Nadon, «le roi du drum», 75 ans, et le band leader Vic Vogel, 73 ans.

D'autres vedettes d'un âge certain: Buddy Guy, 73 ans, Charlie Haden, 71, Joe Cocker et Jeff Beck, 65, Jackson Browne, 60, et Stevie Wonder, qui est entré dans sa 60e année en mai dernier. Compay Segundo (Francisco Repilado, 1907-2003) est le plus vieux musicien de l'histoire du Festival; le guitariste et chanteur cubain du célèbre Buena Vista Social Club - révélé au monde entier par Ry Cooder et Wim Wenders - avait 90 ans quand il est passé au FIJM en 1998.

À l'autre bout de la vie, les arrière-petits-enfants connaissent l'émoi des premiers vrais spectacles, commencent à se faire un nom ou un prénom, si ce n'est déjà fait. La plus jeune star de cette année est (encore) la chanteuse montréalaise Nikki Yanofski qui, à 15 ans, sera de la série inaugurale de la place des Festivals, la plus grosse scène de toutes.

Plus jeunes que le Festival

Ailleurs, dans les salles et dans la rue, des dizaines de musiciens seront toujours plus jeunes que le Festival qui les présente. Chez les femmes, parmi les plus connues, ou qui le deviendront bientôt: Esperanza Spalding et Melody Gardot, toutes deux 24 ans, Amanda Tosoff, 25, Hiromi qui vient à peine de passer chez les trentenaires. Chez les gars: Julian Lage - il a joué avec Santana à 8 ans - fait la première partie de Maria Schneider; ce jeune prodige de la guitare a 22 ans.

Des plus jeunes encore monteront sur la scène Alcan avec le stage band de leur école. C'est là que se produira, entre autres, l'orchestre des JazzKids dont les musiciens - des pianistes pour la plupart - ont entre 4 et 12 ans.

Au Camp de blues (spectacle final le dimanche 12 juillet), les cadets ont 13 ans: la trompettiste Geneviève Larocque de Saint-Hubert (école André-Laurendeau), le pianiste Anthony Coache de Saint-Jean-sur-Richelieu (école Marcelin-Champagnat) et une chanteuse du collège Saint-Louis de Lachine qui a déjà un nom de star: Roxanne Reddy.

Plein de chanteuses

Les femmes comptent pour 23% des têtes d'affiche du Festival de jazz. La présence féminine augmente si l'on tient compte des femmes qui sont membres de grandes formations mixtes tels le Harlem Gospel Choir ou des ensembles entièrement féminins comme La Pietà d'Angèle Dubeau (neuf violonistes); s'ajoutent aussi les choristes, danseuses (la moitié du corps de Jazzing Flamenco) et «sidewomen», fort peu nombreuses au demeurant.

La plupart des vedettes féminines du FIJM sont des chanteuses - six sur huit dans la série En voix, six sur 10 dans Couleurs, Florence K. et Nikki Yanofski en grand spectacle à la Place des festivals - mais on trouve aussi des band leaders (Maria Schneider, Marianne Trudel, Lorraine Desmarais) et des instrumentistes de haut niveau comme la pianiste japonaise Hiromi, la clarinettiste et saxophoniste israélienne Anat Cohen et la contrebassiste Esperanza Spalding, «mi-ange mi-sirène» qui a la «planète jazz» au grand complet à ses genoux.

Ces dames sont proportionnellement plus nombreuses en salles (28% contre 16% sur les scènes extérieures), mais sont en très petite minorité (une sur 11) dans les séries de prestige comme Pleins feux à Wilfrid-Pelletier ou Les Grands Concerts à Maisonneuve.

Les tenantes de la parité trouveront que le quart des affiches pour la moitié de la population, c'est peu... Elles peuvent trouver espoir du côté de la relève (17 filles, 30%, 37 gars au Camp de blues) et se rappeler que le jazz et ses cousines ont quand même fait du chemin depuis que Duke Ellington a lancé un album intitulé A Drum is a Woman («Une batterie est une femme», 1956), ce qui fera dire à la poète, musicienne et activiste Jayne Cortez dans les pages de son recueil Coagulations (1984) qui s'adressent aux jazzophiles mâles: «Si la batterie est une femme, alors comprenez votre batterie (...) votre batterie ne vous est pas inférieure (...) n'essayez pas de dominer votre batterie». Sauf erreur, la 30e édition du FIJM ne présente aucune batteuse en tête d'affiche...