Nouveau directeur artistique du Festival de Lanaudière, Renaud Loranger succède à Gregory Charles, Alex Benjamin et, bien sûr, le fondateur de l'événement, le père Fernand Lindsay. À 35 ans, le Québécois assume ses nouvelles fonctions en plus d'être à la barre du label néerlandais Pentatone. La Presse l'a rencontré afin qu'il nous explique le chantier qu'il imagine pour l'avenir du Festival de Lanaudière.

Musicologue de formation, Renaud Loranger a passé six ans chez Deutsche Grammophon en tant que producteur exécutif, notamment auprès de Yannick Nézet-Séguin. Avant de quitter Montréal pour l'Europe, il a travaillé à l'OSM, sous la direction artistique de Kent Nagano. Il partagera désormais ses mandats professionnels entre l'Europe et le Québec.

Recentrer la mission du Festival de Lanaudière est un principe moteur du prochain cycle, soutient son directeur artistique : « Je ne veux pas trop me prononcer sur ce qui s'est produit avant moi, je crois tout de même que de très bonnes choses y ont été faites. Au cours des dernières années, cependant, le festival s'est interrogé sur le sens de sa mission. Or, j'ai personnellement l'impression qu'il s'est aminci, pas tant dans le volume que dans le contenu de son offre. 

« Je crois donc qu'il faut redonner confiance à l'institution développée à l'origine par le père Lindsay, poursuit-il. Notre mission, en fait, c'est de présenter de la musique différente de temps à autre, mais c'est aussi présenter Brahms, Beethoven, Berlioz ou Mozart d'une manière différente, inattendue, originale. Revenir à cette mission fondamentale, c'est dans l'air et dans le sol de Lanaudière - la région d'où je proviens, où j'ai grandi et par laquelle je suis venu à la musique. »

Selon le directeur artistique, consolider les liens avec le public du Festival de Lanaudière est une grande priorité.

« On ne programme pas pour soi-même ; il faut que le contenu colle à la tradition du festival, mais aussi à son public. Je veux donc m'assurer que les mélomanes de la région de Lanaudière et de la grande région montréalaise seront présents. » - Renaud Loranger, nouveau directeur artistique du Festival de Lanaudière

Et pourquoi se déplacer de Montréal à Lanaudière ? « Pour accéder à quelque chose de nouveau et de différent : un soliste ou un chef qui ne sont pas venus au Québec depuis quelques années ou qui ne sont jamais venus, un concerto hors des sentiers battus, la relève, le talent local, etc., précise-t-il. À mon avis, ça a toujours été la trame de fond du Festival de Lanaudière. Ce n'est pas sorcier au fond, c'est une question d'équilibre... »

Le « panier de partenariats ». Voilà un concept récurrent dans le discours de Renaud Loranger, qui estime que « recentrer [la] mission », c'est aussi s'assurer que les partenaires historiques du festival demeurent parmi eux. 

Sur la carte internationale 

« L'OSM sera très présent pour les deux derniers étés de Kent Nagano, par exemple. Il en sera de même pour l'OM et Yannick Nézet-Séguin pour des raisons évidentes. Il faut également repositionner le festival sur la carte internationale, s'assurer que les meilleurs musiciens du monde entier puissent s'y produire, même s'ils ne peuvent pas le faire à court terme. En ce sens, il faut leur proposer des projets qui puissent les intéresser. On s'attend donc à ce que ces liens se solidifient. Je souhaite aussi d'ambitieuses créations d'oeuvres et des créations communes mises sur pied avec d'autres institutions. Il faut alors que le festival se positionne dans les réseaux internationaux en tant que partenaire potentiel », avance Loranger.

Chercher l'équilibre

La fonction de directeur artistique est-elle en conflit d'intérêts avec celle de directeur de label ? Le principal intéressé dit y avoir beaucoup réfléchi...

« Or, je dirais que non. Évidemment, il y aura des artistes Pentatone au Festival de Lanaudière, comme ceux de toutes les étiquettes. Je cherche l'équilibre. Vous savez, dans le monde classique, la musique enregistrée n'est pas une affaire énorme... nous sommes à la limite de la philanthropie. Et puisque le marché canadien n'est pas déterminant sur l'échiquier international, il m'est apparu clair qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter d'un conflit d'intérêts. Il faut plutôt mettre l'accent sur la planification des invitations sur un horizon de deux ou trois ans. Ainsi, je suis établi à Berlin, je vais régulièrement en Hollande pour y travailler auprès du personnel de Pentatone, et je viens davantage au Québec. En quelques semaines après mon embauche au Festival de Lanaudière, plusieurs choses se sont déjà placées et je trouve ça très encourageant par rapport à la perception du milieu international. »

Pour Renaud Loranger, le chantier fondamental du festival repose sur la transmission d'une passion : « Je souhaite sincèrement faire partager au public les musiques et artistes qui me passionnent. Au-delà de cette passion, il y a cette idée d'essayer d'élargir les horizons. J'aimerais en ce sens offrir au public une certaine hauteur de vue sur le monde de la musique, tout en connaissant nos limites. J'aime cette vision maîtresse, encore plus vaste que le monde de la musique ; cette vision nous amène à grandir, à apprendre à être mieux en tant qu'êtres humains à travers un événement comme le Festival de Lanaudière. À travers la musique, il a cette perspective d'être ensemble, de mieux nous comprendre au-delà de nos différences. »

La 42e saison du Festival de Lanaudière se tiendra du 5 juillet au 4 août.