Au Québec comme au Canada, le contre-ténor Daniel Taylor nous a ouvert la voie dans les années 90: particulier à l'époque, le registre de l'interprète et chef de choeur n'était pas un reliquat d'un passé lointain, encore moins une curiosité passagère.

Le cas du Polonais Jakub Józef Orliński, contre-ténor parfaitement en phase avec le présent du répertoire lui étant consacré, est éloquent en ce sens.

Depuis lors, non seulement découvrons-nous un répertoire fabuleux de musiques baroques et anciennes composées jadis pour cette tessiture, mais encore pouvons-nous apprécier l'émergence d'une cohorte entière de jeunes chanteurs.

«Il y a aujourd'hui beaucoup de musique à chanter pour mon registre vocal. Plus que jamais!» insiste notre interviewé, joint à Varsovie.

«Les gens croient qu'il n'y a que la musique baroque, ce qui est faux. Avec mon pianiste Michał Biel, je ne cesse de donner des récitals extrêmement variés!»

«Je peux bien sûr chanter du baroque, mais aussi des oeuvres d'autres époques: Reynaldo Hahn, Gabriel Fauré, Franz Schubert. Je peux même reprendre des chansons folkloriques de Pologne ou d'Europe de l'Est. J'aime également interpréter des compositeurs contemporains tels Karol Szymanowski, Paweł Łukaszewski ou Witold Lutosławski. En fait, je m'intéresse à la musique contemporaine du monde entier, je pense entre autres aux oeuvres de Philip Glass, Jonathan Dove ou Nico Muhly.»

«Nouvelles possibilités»

Dans le même élan, Jakub Józef Orliński, qui aura 28 ans en décembre, souligne que la curiosité de plusieurs compositeurs contemporains pour le contre-ténor a été définitivement piquée. Il fournit d'autres raisons pour étoffer son propos:

«Les avancées de notre technique vocale et l'étude approfondie des types d'interprétation à travers le répertoire permettent de nouvelles possibilités aux interprètes, ce qui favorise la composition de nouvelles oeuvres. De plus, nous avons une approche plus fraîche de la musique baroque, qui était la musique populaire de son temps. Il y a donc beaucoup de créativité en jeu pour les interprètes, toutes périodes confondues. Par exemple, j'écris moi-même les ornementations des chants aux programmes de mes concerts.»

Le chanteur fait aussi observer que l'approche vocale du contre-ténor est différente d'un interprète à l'autre, et que chacun doit choisir un répertoire qui lui sied parfaitement. «Des chansons peuvent convenir à l'Argentin Franco Fagioli ou à l'Américain David Daniels... et ne me conviennent pas. J'ai mon propre son, ils ont le leur.»

Influence hip-hop



Jakub Józef Orliński est de cette génération de musiciens classiques ayant absorbé stylistiquement beaucoup plus que ce que prévoit leur formation académique. En voici la rafraîchissante démonstration:

«J'arrive à peine d'une répétition avec mon équipe de breakdance, The Skill Fanatics. Un chanteur classique doit être en grande forme physique et... je déteste les gymnases ou les autres programmes d'entraînement. C'est pourquoi je suis B-Boy. Évidemment, j'adore le hip-hop, et je sais toujours choisir la musique dont j'ai besoin pour soigner mon moral.» 

«Lorsque je danse, par exemple, j'écoute aussi beaucoup de house. En bref, j'écoute de tout, je ne fais aucune discrimination de genres musicaux.»

Inutile d'ajouter que les vidéos du contre-ténor/B-Boy ont fait le tour de la planète. Nul ne sait s'il nous réserve quelques steppettes à Montréal, dont le programme sera exécuté de concert avec l'ensemble L'Harmonie des saisons sous la direction d'Eric Milnes.

«Le Festival Bach, explique le chanteur, voulait évidemment que je chante du Bach; la soprano Hélène Brunet fera avec moi la cantate Tilge Höchste, meine Sünden, psaume 51, adaptation par JSB du Stabat Mater de Pergolesi. Une oeuvre magnifique! Je prévois aussi chanter des extraits d'opéra très vigoureux de Georg Friedrich Händel: Stille amare de Tolomeo, re d'Egitto, Furibondo spira il vento, de Partenope, A dispetto d'un volto ingrato, de Tamerlano, et Vedrò con mio diletto, extrait de l'opéra Il Giustino de Vivaldi. Aussi au programme, je chanterai des arias très peu connus de l'époque baroque, débusqués par mon ami le chanteur baryton-basse Yannis François: L'agnelletta timidetta du compositeur italien Gaetano Maria Schiassi et Donec ponam, de l'Espagnol Domènec Terradellas, que j'ai enregistrés sur mon récent album Anima Sacra

À quand un concert «Bach et rap» signé Jakub Józef Orliński? Un jour viendra...

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À l'église St. Andrew et St. Paul, le jeudi 29 novembre, 19 h 30, dans le cadre du Festival Bach.