Avec ses airs de jeune premier, Gordon Bintner a la tête de l'emploi pour incarner don Giovanni. Le baryton-basse canadien a aussi la voix et le talent pour incarner ce rôle mythique de l'un des plus grands opéras de Mozart, dans une production transposée dans les années 40.

Entrer dans la peau du plus légendaire des séducteurs de l'histoire est un défi gratifiant pour l'artiste de 28 ans, qui se dit ravi d'être de retour à Montréal, où il a commencé sa carrière et sa vie d'adulte.

«Pour moi, don Giovanni est un rôle de rêve, dit-il. C'est un personnage complexe dans un opéra incroyable. Sur le plan dramatique, c'est un défi de comprendre ce personnage, sa psychologie et ses motivations. Il est séduisant et charmant, mais aussi intrépide, narcissique et un peu arrogant. C'est un homme mauvais, mais dans son esprit, il ne fait rien de mal. Il est sincèrement convaincu qu'il est un don de Dieu fait aux femmes.»

Pour atteindre ses buts, don Giovanni ne recule devant rien. «Il n'a aucun remords. Pour lui, être fidèle à une seule femme serait cruel envers toutes les autres», estime Gordon Bintner.

«La séduction est sa drogue et les femmes sont l'air qu'il respire. Rien ne peut l'arrêter, il est prêt à mentir et même à tuer.»

Face au destin et aux flammes de l'enfer, don Giovanni refusera d'ailleurs de se repentir.

«Il déclare que jamais on ne l'accusera du péché de couardise. Il regarde la mort en face avec fierté. C'est intéressant de tenter de se mettre à sa place, car, pour bien jouer un personnage, il faut ressentir une certaine empathie pour lui.»

Dans cette production campée dans les années 40, mise en scène par David Lefkowich, don Giovanni aura des allures d'Al Capone, avec son feutre mou et son costume-cravate.

«Dans ce monde, il est riche, puissant et marche avec une dégaine assurée. Cette transposition rend le rôle d'autant plus intéressant à jouer.»

Parcours vocal

Né à Regina, en Saskatchewan, Gordon Bintner s'est intéressé au chant vers l'âge de 8 ans parce que ses soeurs suivaient des leçons.

«Enfant, je m'intéressais déjà aux arts de la scène et j'ai commencé à me produire en public en participant à des comédies musicales dans ma communauté. J'étais particulièrement attiré par le chant. C'était quelque chose de naturel pour moi. Je chantais un peu partout dans la maison. Mes soeurs ont suivi des cours de ballet et j'ai suivi leurs traces en apprenant aussi à danser. À l'école secondaire, j'ai fait partie de chorales. Les arts ont toujours fait partie de ma vie.»

À 18 ans, il a décidé d'en faire une carrière en s'inscrivant en chant à l'Université McGill, où il a fait son baccalauréat et sa maîtrise auprès de Sanford Sylvan et de Michael McMahon.

«La voix classique ne m'est pas venue naturellement, si on parle de production d'un son opératique», dit le chanteur. 

«Il m'a fallu énormément de travail pour apprendre la technique et le style, avec mes professeurs. Mais aussitôt que je me suis lancé dans ce processus, c'est devenu addictif. Cela nourrissait mon âme.»

«Ce n'était pas évident comme choix de carrière, mais je suis tombé amoureux de cette forme d'art», ajoute-t-il.

Son travail assidu a porté ses fruits: en 2011, il a remporté le premier prix au Concours OSM Standard Life, ce qui a grandement contribué à le faire connaître du public. Quelques mois plus tard, il chantait don Giovanni pour la première fois dans une production d'Opera McGill. Notre ancien collègue Claude Gingras lui prédisait alors une grande carrière.

En 2013, il faisait ses débuts à l'Opéra de Montréal dans le rôle de Lescaut, dans Manon.

Après ses études, le chanteur a passé trois ans à se perfectionner à Toronto. Il s'apprête maintenant à s'établir en Allemagne, où il a obtenu un contrat de trois ans à l'Opéra de Francfort, où il aura l'occasion de chanter plusieurs rôles importants.

Les autres chanteurs de cette distribution entièrement canadienne sont la soprano Emily Dorn (donna Anna), la basse Alain Coulombe (le Commandeur), le ténor Jean-Michel Richer (don Ottavio), la soprano Layla Claire (donna Elvira), le baryton-basse Daniel Okulitch (Leporello), le baryton-basse Stephen Hegedus (Masetto) et la soprano Hélène Guilmette (Zerlina). Le jeune chef canadien Jordan de Souza, récemment nommé à la tête de l'Opéra-comique de Berlin, dirigera l'Orchestre Métropolitain.

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À la salle Wilfrid-Pelletier les 15, 17 et 19 novembre, 19 h 30.