Au Nouvel An, l'Hommage à Vienne est devenu un incontournable dans plusieurs villes d'Occident. Nous n'y faisons pas exception : cette tradition, qui a vu le jour en 1939 dans la capitale autrichienne, se vit à Montréal depuis 20 ans.

Le 1er janvier, donc, un Orchestre Strauss de 65 musiciens d'ici s'exécutera à la salle Wilfrid-Pelletier sous la direction d'un chef autrichien : Christoph Campestrini. La Presse l'a joint à Vienne avant qu'il s'amène chez nous pour y mener les répétitions précédant une mini-tournée de trois villes en autant de jours - d'abord Montréal, puis Ottawa et Québec.

Le maestro est un habitué de notre territoire : il a travaillé notamment au Centre national des arts à Ottawa ainsi qu'au Festival de Lanaudière, et il dirigera l'Orchestre métropolitain en avril 2016. Parmi ses multiples compétences, il est un spécialiste du Nouvel An viennois, ayant dirigé des orchestres pour l'occasion dans plusieurs villes d'Occident.

Inutile d'ajouter qu'il est l'homme de la situation pour nous expliquer les origines de cet événement.

«  À la fin du XIXe siècle, raconte-t-il, l'Orchestre philharmonique de Vienne gardait ses distances avec la musique de Johann Strauss fils ; on la jugeait alors trop proche du divertissement léger. Or, des compositeurs importants comme Brahms, Liszt et Wagner ont exprimé leur estime pour cette musique, l'Orchestre philharmonique de Vienne en est venu à modifier sa position. Johann Strauss II a même été invité à le diriger.

« Au siècle suivant, le maestro Clemens Krauss est celui qui a vraiment fondé cette tradition du Nouvel An viennois. Après avoir présenté des concerts consacrés à la musique de Johann Strauss fils au festival de Salzbourg, il a dirigé un premier concert du Nouvel An en 1939. Le concept s'est précisé, incluant les valses de Strauss, mais aussi d'autres valses, polkas ou airs d'opérettes. Toutes les musiques prévues à ce programme annuel doivent exercer une fonction importante dans l'expression culturelle autrichienne. »

TRADITION OCCIDENTALE

Sous l'impulsion de producteurs dynamiques, le concert du Nouvel An viennois est désormais présenté dans des villes d'Europe et d'Amérique. « D'une certaine façon, c'est devenu une tradition occidentale », convient Christoph Campestrini.

On aura saisi que le maestro y croit sincèrement.

« La musique de Johann Srauss II est beaucoup plus riche que certains le croient, insiste-t-il. Pour les chefs d'orchestre, le défi consiste à y trouver la justesse dans le style. Le grand Carlos Kleiber a déjà dit qu'il fallait jouer la musique de Strauss comme la musique de Mozart, c'est-à-dire avec le même souci du détail. Qu'il fallait en respecter les particularités rythmiques, faire preuve d'une grande souplesse dans l'expression mélodique, tenir compte de toutes ces nuances qui font la différence. »

On apprendra en outre que des danseurs de l'Europaballett d'Autriche et des champions internationaux de danse sociale monteront sur scène afin de faire mousser l'ambiance de fête.

Comment faire tout ça sans éviter une forme ou une autre de kitsch ?

«  C'est bien sûr un défi que d'éviter la vulgarité. Musicalement, il faut que l'orchestre évite de surjouer la partition. Il faut exprimer la pureté de cette musique et rester proche de la partition originelle. » - Christoph Campestrini

Johann Strauss fils, d'ailleurs, serait moins hop-la-vie qu'il en a l'air !

« Il y a une grande joie de vivre dans cette musique, mais il y a aussi une grande mélancolie, car cette musique évoque l'esprit de l'ancien monde austro-hongrois, explique notre interviewé. Lorsque Strauss a écrit ces musiques, le déclin de l'empire commençait. Dans cette optique, cette musique nous fait danser au bord d'un volcan. »

Photo fournie par la production

Christoph Campestrini, chef d'orchestre

SOLISTES INVITÉS

Pour la part chantée de cet Hommage à Vienne, les solistes invités sont la soprano québécoise Karina Gauvin et le ténor allemand Tilmann Unger. La chanteuse interprétera notamment le célèbre Air de Vilya, extrait de La Veuve joyeuse de Franz Lehár. Ensemble, Karina Gauvin et son collègue allemand entonneront entre autres airs La scène de la montre (Dieser Anstand, so manierlich) tiré de La Chauve-Souris de Johann Strauss fils.

« Je suis un très grand admirateur de Karina Gauvin, affirme Christoph Campestrini. Pour moi, elle est une des plus grandes ! Ce qu'elle apportera à cette musique de Strauss sera d'autant plus riche. Je n'ai jamais travaillé avec Tilmann Unger, magnifique ténor de Munich, mais j'ai très hâte. Je m'attends à vivre une profonde expérience vocale. »

Et quel sera l'angle d'attaque de maestro Campestrini ?

« J'ai grandi avec cette musique ; elle fait partie de mon ADN. J'essaie simplement de transmettre l'esprit de cette musique aux orchestres avec lesquels je travaille. Si j'y arrive, c'est ma plus belle récompense. »

À la salle Wilfrid-Pelletier le 1er janvier, 14 h 30 ; au Centre Point Theatre d'Ottawa (avec la soprano Katalin Benedekffy) le 2 janvier ; au Grand Théâtre de Québec le 3 janvier, 14 h 30.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Karina Gauvin, chanteuse