Le célèbre chantonnement du pianiste de légende et le grincement de sa chaise sont bien là, mais le son a gagné en clarté: la maison de disque Sony sort le 11 septembre une nouvelle intégrale remastérisée du Canadien Glenn Gould.

Sa sortie est un événement, non seulement parce que la dernière intégrale parue il y a cinq ans est épuisée, mais aussi parce que les avancées techniques permettent de s'approcher toujours un peu plus de la perfection que cherchait Glenn Gould.

On sait que le Canadien au comportement fantasque avait pris la décision radicale de cesser tout concert en 1964 - il a 32 ans - pour devenir un véritable artiste discographe. Il élabore alors une véritable esthétique de l'enregistrement, portant un soin maniaque à la pose des micros, aux différentes prises, au son d'ambiance et au montage des bandes.

«Je ne connais pas d'artiste qui ait eu à ce point une conscience des moyens techniques», explique l'Allemand Michael Stegemann, spécialiste de Gould.

«Il a utilisé le travail en studio de manière tout à fait créative. Ce n'était pas seulement l'enregistrement et le montage d'une oeuvre mais il voulait une disposition acoustique presque irréelle, qui ne correspond pas à l'idée qu'on a aujourd'hui, on veut que ça sonne le plus naturellement possible, Gould avait une idée de réalisation technique avec des dispositions de micros, de montage de parties disparates, qui trouvait ses limites à l'époque».

«Heureusement, on a conservé toutes les bandes originales et on a pu monter les enregistrements d'une manière que Gould avait esquissé dans ses partitions», souligne-t-il.

À la fin de sa vie - il meurt à seulement 50 ans des suites d'un AVC - Gould enregistre avec la nouvelle technique numérique tout juste éclose.

Le deuxième enregistrement de ses fameuses Variations Goldberg de Bach en numérique sort en septembre 1982 quatre semaines avant sa mort.

La plupart de ses disques sont faits à partir de bandes magnétiques, qui demandent un gros travail de restauration et de nettoyage.

Mais il est hors de question de «nettoyer» les bruits secondaires typiques de l'artiste, comme le fameux chantonnement.

«Il faut garder ces sons pour des raisons d'authenticité», souligne Michael Stegemann. Le «son» Glenn Gould, dû en partie à son «remaniement du piano Steinway CD318, dont les marteaux sont placés plus près des cordes ce qui donne une sonorité unique, est aujourd'hui plus clair», estime-t-il.

La remastérisation a pris trois ans. «Ce n'est sans doute pas la dernière étape du développement technique», observe Michael Stegemann, «et je peux imaginer que dans 5, 10 ans, 15 ou 20 ans on aura encore plus de possibilités et de moyens».

Le coffret édité par Sony pour les 60 ans de la signature de Glenn Gould chez Columbia Masterworks comprend 78 disques d'enregistrements et trois disques d'entretiens avec le pianiste.