Le pari de l'OSM était audacieux: présenter un opéra en plein air au Parc olympique, avec tous les défis logistiques et artistiques qu'un tel projet suppose. Le spectacle, qui a attiré 45 000 personnes, a consacré le triomphe des voix d'ici avec une distribution de chanteurs entièrement québécoise et canadienne.

L'opéra a été précédé d'une cérémonie en mémoire du bombardement atomique d'Hiroshima, dont c'est le 70e anniversaire cette année. Le maire Denis Coderre et le consul du Japon, Hideaki Kuramitsu, ont fait sonner la cloche de la paix au Jardin japonais du Jardin botanique. La scène était projetée en direct sur des écrans géants, suivie de discours pour le désarmement nucléaire et de quelques pièces chantées par le Choeur des enfants de Montréal.

À n'en pas douter, Carmen est l'un des opéras les plus populaires de l'histoire. Il s'agissait donc d'un choix judicieux. Cette production de l'OSM, en version écourtée, avec «mise en espace» d'Alain Gauthier et narration d'André Robitaille, était de bonne tenue, avec ses costumes et accessoires. Une belle troupe de danse, La poesia del flamenco, y ajoutait de la flamboyance.

Presque tous les chanteurs étaient Québécois, quelques-uns Canadiens. Comme tête d'affiche, la délicieuse mezzo Michèle Losier, en grande forme vocale, maîtrisait son rôle à la perfection. À ses côtés, on a pu entendre Joseph Kaiser en Don José, Marianne Fiset en Micaëla et Gregory Dahl en Escamillo. Tous furent à la hauteur, bien que le baryton canadien Gregory Dahl, d'habitude meilleur dans ses rôles à l'Opéra de Montréal, était plutôt lourd, trop lent et sa diction était quelque peu relâchée dans le fameux air du toréador, un peu décevant.

Le constat le plus réjouissant de cette soirée est que nous avons chez nous suffisamment de belles voix pour former une distribution complète pour un Carmen de premier ordre. 

Ces chanteurs, dont plusieurs font de belles carrières à l'étranger sans être connus du grand public ici, ont enfin eu l'occasion de se mettre en valeur devant des dizaines de milliers de spectateurs. C'est déjà beaucoup.

L'autre constat, moins heureux, c'est que la formule opéra en version concert atteint ses limites avec une foule aussi grande sur un site aussi vaste, malgré la présence d'écrans géants. Très appréciés de la foule, qui sinon ne verrait pas grand-chose, ces écrans ne suffisent pas à transmettre une narration satisfaisante en direct. Les caméras, souvent en retard sur les événements, nous montraient trop souvent l'orchestre plutôt que les chanteurs, alors que se déroulaient des scènes essentielles à la compréhension de l'action. On se demande comment les spectateurs qui ne connaissaient pas déjà l'histoire ont pu tout suivre, surtout en l'absence de sous-titres. La sonorisation était cependant excellente.

Après Carmina Burana l'an dernier et Carmen cette année, espérons que l'OSM reviendra, l'an prochain, à ce qu'il fait de mieux: le grand répertoire symphonique.