De retour à la Maison symphonique pour trois soirs consécutifs, le célébrissime Lang Lang, 32 ans, se prête à une interview généreuse entre deux répétitions.

«J'adore cette ville, amorce-t-il, large sourire aux lèvres. On a tôt fait de réaliser que Montréal est un lieu central pour l'art. Et la nourriture y est excellente! Cette salle de concert [la Maison symphonique] est formidable et je me prépare à donner ce soir une classe de maître à la Schulich School of Music de l'Université McGill.»

Inutile d'ajouter que cette classe de maître était présentée à guichets fermés, hier, et il y a fort à parier qu'il en sera de même pour les trois concerts donnés cette semaine à la Maison symphonique.

En premier lieu, soit ce soir et demain, Lang Lang sera le

plat de résistance au menu de l'orchestre montréalais, soit pour l'exécution du Concerto pour piano no 24 en do mineur K. 491 de Mozart.

«Lorsque j'ai discuté du programme avec l'OSM, raconte-t-il, nous avions cette préférence commune. Vous savez, Mozart a été pour moi très difficile à jouer avant que je franchisse le cap des 25 ans. Parvenir à jouer Mozart d'une manière authentique, avec personnalité, ce n'est pas évident! Il est un compositeur difficile pour un pianiste.»

Ce choix est aussi lié à un récent album de Lang Lang: The Mozart Album - With Nikolaus Harnoncourt&Wiener Philharmoniker (Orchestre philharmonique de Vienne), sous étiquette Sony Classical.

On sait que le monde de la musique occidentale a longtemps alimenté des préjugés à l'endroit des musiciens classiques venus d'Asie, réduisant leur contribution à la plate et méticuleuse reproduction du répertoire. Lang Lang s'inscrit en faux contre ce préjugé. 

«J'essaie d'être respectueux des compositeurs que j'interprète, mais je refuse d'être une machine à copier. Un artiste doit avoir la liberté de s'exprimer. Certains affirment que je ne respecte pas les consignes des compositeurs? Je réponds généralement par cette question: comment peut-on vraiment savoir ce qu'ils veulent? (rires) Vous savez, mon professeur Gary Graffman m'a déjà fait écouter un enregistrement du Concerto pour piano no 1 de Rachmaninov, joué par lui-même, et... il ne respectait pas ses propres consignes! (rires) Parfois, on peut changer de petites choses si c'est justifié. Bien sûr, il faut respecter la partition tout en sachant ce qu'on peut en faire avec sa propre personnalité.»

Projets fantaisistes

Aux Grammy de 2014, on a vu le virtuose se produire aux côtés de Metallica et il a remis ça cette année en déversant un flot de notes lors de l'interprétation «symphonique» du supertube Happy, signé Pharrell Williams, orchestré pour l'occasion par Hans Zimmer.

«Je me garde bien de comparer Pharrell Williams à Bach, mais j'adore ces expériences pop. Je suis pianiste classique, je suis aussi de mon temps. Vous savez, à une autre époque, se trouver dans différents contextes était monnaie courante. Mozart jouait du piano, composait pour différents instruments, ensembles, orchestres, opéras, participait à des fêtes. Les musiciens faisaient tout! Aujourd'hui, les interprètes se concentrent sur une seule dimension de la musique. Alors? Quand j'ai l'occasion d'en sortir, je la prends.»

Enfant prodige issu d'une famille modeste de Chine, poussé dès son plus jeune âge par un père très ambitieux, transformé par une vie adulte menée en Amérique du Nord et par les tournées mondiales, Lang Lang s'est construit entre l'Orient et l'Occident. 

Quelle est l'identité de la superstar en 2015? «Je suis devenu citoyen du monde. J'ai appris sur tous les continents, j'ai intégré les cultures du monde à mon style de vie. Toutefois... je préfère la cuisine chinoise!», conclut-il en laissant échapper un rire sonore.

À la Maison symphonique, Kent Nagano reçoit Lang Lang, mercredi et jeudi avec l'OSM. Le pianiste est en récital vendredi.