À l'origine, le violoniste Maxim Vengerov devait être le soliste de ce concert double de l'OSM et devait aussi partager le podium avec Nathan Brock, ancien «chef en résidence» de l'orchestre. Son annulation a entraîné une modification du programme. On allait entendre la rare ouverture-fantaisie Hamlet de Tchaïkovsky et, dans le célèbre Concerto pour violon de celui-ci, un soliste inconnu, Andrey Baranov, 29 ans, natif de Saint-Pétersbourg. Du même coup, le programme entier passait aux mains de M. Brock.

La notice biographique du nouveau venu le présente comme ayant remporté «plus de 20 concours internationaux». Peut-être. Chose certaine, son exécution du fameux concerto ne lui aurait certainement pas valu un premier prix dans une compétition de grande envergure. Ce garçon peut jouer du violon, cela est certain. Hélas! son exécution fut marquée de toutes sortes de petites imperfections qui échappent manifestement au grand public (l'ovation fut délirante) mais que ne peuvent ignorer ceux qui connaissent et aiment cette oeuvre populaire entre toutes : valeurs de note non respectées, intonation parfois douteuse, rubatos gratuits modifiant le discours, doubles cordes cotonneuses, vibrato devenu trémolo, absence de musicalité... Un bon point quand même : au finale, M. Baranov rétablit les passages habituellement coupés.

Chef et orchestre ont eu beaucoup de mérite à le suivre. Par ailleurs, à la corbeille, un spectateur de la première rangée a éprouvé un malaise et l'arrivée des secouristes a perturbé la fin du concerto et le début de la pièce suivante.

Le remaniement du programme nous valut une sorte de «soirée Tchaïkovsky» avec, comme entrée en matière, les aimables Variations pour orchestre à cordes qu'Anton Arensky broda sur un thème de son illustre contemporain. On en compte sept, avec coda, pour un total de 15 minutes. Pas de la grande musique, certes, mais M. Brock en tira le maximum : une riche sonorité de la phalange d'archets et l'exécution de toutes les reprises sans exception.

Inspirée de Shakespeare, l'ouverture-fantaisie Hamlet fut jouée en concert et enregistrée, en octobre 1988, par l'OSM et Charles Dutoit. Un retour à cet enregistrement nous reportait à une époque glorieuse. Quelle incroyable puissance sonore et dramatique cet enregistrement génère encore et -- si on nous permet cette parenthèse -- quel grand chef on a laissé partir! Le résultat, 27 ans plus tard, demeure très impressionnant à tous égards. Émergeant de la mêlée, le hautbois d'Ophélie, déjà tenu à ce moment-là par le vétéran Theodore Baskin, reste tout aussi émouvant, même que le «piangendo» («en pleurant») souhaité par Tchaïkovsky a pris une couleur encore plus marquée.

Dernière pièce au programme, le Capriccio italien s'ouvre sur des appels de cuivres très forts et très sûrs. Ils seront un rien moins précis par après, mais peu importe : le chef y incorpore bientôt de beaux élans des cordes et l'orchestre tout entier remplit la salle d'un magnifique et irrésistible tapage.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité : Nathan Brock. Soliste : Andrey Baranov, violoniste. Jeudi soir, Maison symphonique, Place des Arts; reprise samedi, 20 h. Séries Grands Concerts.

Programme :

Variations sur un thème de Tchaïkovsky, pour cordes, op. 35a (1894) - Arensky

Hamlet, ouverture-fantaisie, op. 67 (1888) - Tchaïkovsky

Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op. 35 (1878) - Tchaïkovsky

Capriccio italien, op. 45 (1880) - Tchaïkovsky