Aujourd'hui âgé de 64 ans, le chef américain James Conlon a connu des hauts et des bas au cours d'une association avec l'OSM qui remonte à ses années de jeunesse. À cet égard, on regrette que l'OSM se contente de reproduire les notices biographiques fournies par les agences (notices souvent trompeuses et mal traduites), alors qu'il serait plus intéressant de rappeler en quelle année et dans quelles oeuvres chefs invités et solistes firent leurs débuts à l'orchestre.

M. Conlon nous revient donc pour la énième fois et, bonne nouvelle, le présent programme le trouve en très bonne forme. Contrairement à son hôte montréalais, on note qu'il a pris la peine de mémoriser les deux oeuvres où il est seul avec l'orchestre (il a la partition pour le concerto, ce qui est normal). Surprise plus belle encore, l'un de ses choix sort nettement de la routine: le très long poème symphonique Die Seejungfrau - La Petite sirène - d'Alexander von Zemlinsky.

Autre détail qui aurait pu figurer dans le texte remis aux auditeurs. Il ne s'agit pas d'une première ici: l'OSM joua cette oeuvre le 30 juin 2001, au Festival de Lanaudière, sous la direction d'un autre chef américain, JoAnn Falletta.

Malgré le voisinage de Schoenberg (dont Zemlinsky fut le professeur et... le beau-frère), l'oeuvre reste parfaitement tonale. Elle est désignée «fantaisie», mais le terme «poème symphonique» lui convient puisque les trois mouvements, inspirés d'un conte d'Andersen, décrivent les aventures tumultueuses d'une petite sirène amoureuse d'un prince.

On peut ignorer l'abracadabrant scénario et se limiter à l'atmosphère, que M. Conlon (à qui l'on doit l'un des rares enregistrements de l'oeuvre) recrée parfaitement, allant jusqu'à respecter la durée précise de 45 minutes indiquée dans la partition. Les profondeurs de la mer, le miroitement des vagues, la turbulence qui agite les personnages: tout cela est traduit avec vérité par un orchestre augmenté (on y aperçoit six cors et deux harpes), boursouflé et voluptueux, tour à tour fracassant et subtil.

L'oeuvre n'est pas sans défauts: elle emprunte trop à Wagner, à Tchaïkovsky, à Richard Strauss, à l'opérette viennoise, et elle est trop longue. Quand même, elle méritait cette seconde audition.

M. Conlon revient ensuite au répertoire courant: voici les Variations sur un thème de Haydn, de Brahms, dont chacune est dessinée avec élégance et écoutée avec un plaisir renouvelé à chacune des nombreuses reprises. Une seule réserve: la septième variation, indiquée Grazioso, est prise trop vite et manque justement de grâce.

Voulant manifestement tirer quelque chose de nouveau du sempiternel Concerto pour violon de Mendelssohn, Midori se permet ici et là quelques maniérismes et perd même des points quant à la justesse. Sans doute aussi pour prouver qu'elle possède encore tous ses moyens, à 42 ans, elle va plus vite que l'orchestre et fait presque tromper celui-ci. Pourtant, la technique de base reste intacte. Après avoir presque boudé le Zemlinsky, les gens debout la rappellent à grands cris.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: James Conlon. Soliste: Midori, violoniste. Mercredi soir, Maison symphonique, Place des Arts; reprise jeudi, 20 h. Séries «Grands Concerts».

Programme:

Die Seejungfrau, fantaisie pour orchestre (1903) - Zemlinsky

Concerto pour violon et orchestre en mi mineur, op. 64 (1845) - Mendelssohn

Variations sur un thème de Haydn, op. 56a (1873) - Brahms