La Maison symphonique était presque remplie vendredi soir pour l'Orchestre Métropolitain, malgré l'absence de Yannick Nézet-Séguin (remplacé par son «chef invité principal»), malgré l'absence d'un nom de soliste sur l'affiche, et bien que l'oeuvre principale fut une création d'un compositeur local.

Mieux encore, le concert obtint un très gros succès de public, même que la nouveauté, forcément redoutée par une bonne partie de l'auditoire, s'avéra la grande réussite de la soirée. Le constat laisse songeur et pourra inspirer nos directeurs d'orchestres : trois éléments en apparence adverses, mais sans effet sur le résultat.

Éric Champagne, l'auteur de la nouveauté en question, nous a parlé vendredi en interview de cette symphonie, qui est sa première. L'oeuvre de 30 minutes avait été rodée trois fois en périphérie cette semaine avant la création officielle de vendredi. Ce rodage et les répétitions qui l'accompagnèrent produisirent une audition finale des plus impressionnantes et certainement fidèle à la partition.

Champagne utilise ici un langage à la fois traditionnel et moderne qu'il véhicule dans une orchestration spectaculaire. Il connaît à fond les possibilités du grand orchestre, il aime le faire sonner -- on dirait même bouger -- avec une puissance extraordinaire, voire excessive par moments; il sait aussi faire parler plus intimement les composantes de cette gigantesque machine.

Mais il aime d'abord faire du bruit. Du beau bruit, doit-on préciser. Le premier mouvement s'ouvre sur une cacophonie qui a l'avantage d'être comique, pour finir dans un envahissant déluge de percussions qui laisse pantois. Au scherzo qui suit, le bruit se fait ricanant et se déroule à une vitesse folle au milieu de clusters ahurissants. Les musiciens lancent même un cri à la fin! Le mouvement lent cite brièvement le Requiem de Mozart. C'est alors que s'affirme de plus en plus une tonalité à laquelle l'auditeur peut s'identifier, surtout que certaines formules évoquent jusqu'à West Side Story. L'auteur ramène et transforme tous ces éléments disparates dans un finale qui donne de l'unité et même un sens à ces 30 minutes de confusion voulue où l'on ne s'ennuie certainement pas!

Présentement «Compositeur en résidence» à l'OM et élu «Découverte de l'année» aux récents Prix Opus, Éric Champagne est venu saluer musiciens et public après l'exécution de cette oeuvre qu'on souhaiterait réentendre.

Une grande partie de ce succès revient au chef invité Julian Kuerti et à l'OM, considérablement augmenté pour l'occasion. Leur réussite fut moindre dans les deux extraits de la symphonie dramatique Roméo et Juliette de Berlioz qui encadraient la nouvelle oeuvre. Les cordes manquaient sérieusement de tonus dans le premier extrait; leur unique mérite fut de jouer juste. Et les bois furent les seuls à se distinguer dans le second. Mention à la flûte-solo Marie-Andrée Benny, très sollicitée dans tout le programme.

Comme conclusion, on nous ramenait encore une fois les interminables, tapageuses et vides Danses symphoniques de Rachmaninov. Nézet-Séguin déjà nommé en avait miraculeusement tiré une certaine expression un soir de Lanaudière 2006. Son chef invité est tout simplement passé à côté. Une autre mauvaise note pour lui, avec le Berlioz.

ORCHESTRE MÉTROPOLITAIN

Chef invité: Julian Kuerti. Vendredi soir, Maison symphonique, Place des Arts.

Programme:

Scène d'amour, ext. de Roméo et Juliette, op. 17 (1839) - Berlioz

Symphonie no 1 (2014) (création) - Champagne

La Reine Mab ou la Fée des songes, ext. de Roméo et Juliette - Berlioz

Danses symphoniques, op. 45 (1941) - Rachmaninov