C'est un mal pour un bien. La rénovation de la salle Claude-Champagne n'étant pas complètement terminée, c'est à l'église Saint-Jean-Baptiste que l'Orchestre de l'Université de Montréal lançait sa 20e saison samedi soir. En plus d'être donné au centre-ville plutôt que sur les hauteurs d'Outremont, le concert était gratuit et affichait la populaire Symphonie pastorale de Beethoven comme pièce de résistance.

Résultat : la vieille église de la rue Rachel, qui peut recevoir 2 500 personnes, était presque comble. Ce succès d'assistance n'eût pas été possible à Claude-Champagne, où la capacité est de 1 000.

Fidèle à ses goûts pour les «thèmes», Jean-François Rivest, le chef et fondateur de l'OUM, avait axé le programme sur «la place de l'homme dans la nature et l'univers». La Pastorale cadrait bien avec le sujet, tout comme les propos de l'indispensable  Hubert Reeves (on entendait sa voix enregistrée pendant qu'un écran le montrait portant divers costumes). Mais on ne s'explique pas l'association avec les guerres mondiales et encore moins la présence d'une pièce inspirée par le viol de Lucrèce.

Peu importe, à vrai dire. Malgré une première partie de concert exigeante -  quatre oeuvres totalisant plus d'une heure --, les quelque 75 jeunes musiciens offrirent au public ravi une Pastorale très soignée et très convaincante, galvanisés par la direction quasi chorégraphique mais combien efficace de leur chef dirigeant par coeur et sans baguette. On nota quelques problèmes du côté des cors, un ou deux décalages entre des groupes. En somme, rien de grave. Malgré la réverbération du lieu, même rempli, cette Pastorale toujours alerte et sentie s'écoutait fort bien. On y ajouta même des jeux d'éclairage!

Immédiatement avant l'entracte, Schelomo de Bloch révéla chez Valentin Bajou, deuxième prix du Concours de concerto 2012 de l'OUM, toutes les qualités techniques et musicales d'un grand violoncelliste. Le jeune musicien d'origine française fit servir son ample et belle sonorité au tumulte et à l'émotion que renferme la «rhapsodie hébraïque» de Bloch, appuyé sur un orchestre puissant et coloré. Il reçut une ovation monstre et méritée.

Soulignant plusieurs fois au micro l'importance de ce 20e anniversaire, Rivest ouvrit le concert avec une pièce de Sean Clarke, élève d'Ana Sokolovic et premier prix du Concours de composition 2012 de l'OUM. La pièce de 14 minutes, écrit l'auteur, est «abstraite» et s'inspire «librement» de la légende de la belle Lucrèce, violée par le fils du roi de Rome. Foncièrement tonale, mais dissonante et brutale, elle pourrait effectivement s'intituler Le Viol de Lucrèce, le petit solo de piano, à la fin, pouvant prêter à bien des interprétations.

Programme complété par des pièces de deux compositeurs étrangers, tous deux présents au concert : Bernard Foccroulle, qui est également organiste, directeur de théâtre et l'une des grandes personnalités musicales de Belgique, et l'Italien Fabio Vacchi, dont on voyait le nom pour la première fois. Rappelons que M. Foccroulle était ces jours derniers au centre de plusieurs activités entourant le doctorat honorifique que lui décernait l'UdM.

Hélas! sa pièce, qui fait 17 minutes, est la moins intéressante des cinq au programme. Des textes alambiqués (exemple : «Quand nous serons deux nous n'aurons pas de moitié nous serons un deux que rien ne peut diviser»), chantés dans un italien approximatif par une voix monochrome (qu'éclairent quelques falsettos!) et non toujours juste, sur un accompagnement instrumental à l'avenant. Cette musique prétentieuse et desséchée n'a aucun avenir.

La courte pièce de M. Vacchi a au moins le mérite de contenir une idée : un mouvement de flux et reflux qui dure six minutes.

ORCHESTRE DE L'UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre : Jean-François Rivest. Solistes : François-Nicolas Guertin, baryton, et Valentin Bajou, violoncelliste. Samedi soir, Église Saint-Jean-Baptiste.

Programme :

(Ouverture de Lucrèce (2013) (création) - Clarke

Due, pour baryton et ensemble instrumental (2013) - Foccroulle

Dai calanchi di Sabbiuno (1995) - Vacchi

Schelomo, pour violoncelle et orchestre (1917) - Bloch

Symphonie no 6, en fa majeur, op. 68 (Pastorale) (1808) - Beethoven