Comme événement final de sa 79e saison, l'OSM avait annoncé une version concert de Jeanne d'Arc au bûcher. Il nous donne beaucoup plus. Si l'oratorio dramatique de Claudel et Honegger suit ici la formule habituelle du concert - interprètes debout devant lutrins -, un très impressionnant encadrement visuel confère une nouvelle dimension au texte, à la musique et à la succession des scènes.

L'élément principal en est cette gigantesque toile noire transparente placée derrière l'orchestre. Toutes sortes d'images y sont projetées, bougeant et transformant le grand choeur mixte qui, dans les gradins, derrière, devient à la fois le témoin du vaudevillesque procès de Jeanne et l'accusateur de la pauvre fille.

Des surtitres sont aussi projetés sur les angles supérieurs de la toile: en français à gauche, en anglais à droite. Les projections les couvrent trop souvent: un défaut à corriger... si ce n'est trop demander!

Très grande, en costume blanc ajusté, Carole Bouquet incarne l'accusée, debout sur une élévation, entre l'orchestre et le choeur. Nous avons vu la créatrice de la version scénique française, Claude Nollier, ici même en 1953, il y a donc 60 ans, et nous en avons vu d'autres par la suite. La Jeanne d'Arc de Carole Bouquet n'a rien à envier à celles qui l'ont précédée. Elle émeut tout en restant sobre. Le fait qu'elle parle continuellement au bout de sa voix, mais sans jamais la forcer, donne à son discours le ton désespéré de celle qui ne comprend pas pourquoi on lui fait tout ce mal. De plus, l'articulation est absolument parfaite: on ne perd pas un mot.

Le choeur très nombreux, le choeur d'enfants qui s'y ajoute, dans les hauteurs, et l'orchestre également augmenté, volontairement grotesque et coloré de sulfureux saxophones et de sifflantes Ondes Martenot: tous ces éléments, animés par Nagano avec une vigueur des plus étonnantes, produisent tour à tour un tapage épouvantable, une confusion où hélas! l'auditeur se perd, mais, surtout, cet effrayant tourbillon qui finalement emporte Jeanne d'Arc.

Ce sont les grands aspects de cette réussite. Le Frère Dominique de Guy Nadon passe presque inaperçu, les chanteurs et comédiens réunis pour les petits et moyens rôles sont corrects mais sans grand caractère, et il n'y a pas lieu de s'attarder aux personnages et situations anecdotiques et sans réel lien avec le sujet. L'ensemble totalise 75 minutes sans entracte. On n'en demande pas davantage.

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JEANNE D'ARC AU BÛCHER, oratorio dramatique en 11 scènes précédées d'un prologue, texte de Paul Claudel, musique d'Arthur Honegger (1938-1944).

Carole Bouquet et Guy Nadon, comédiens, Pascal Charbonneau, ténor, Alexandre Sylvestre, baryton, Marianne Fiset et Hélène Guilmette, sopranos, Allyson McHardy, mezzo-soprano, et autres. Orchestre Symphonique de Montréal, Choeur de l'OSM (dir. Andrew Megill) et Choeur des enfants de Montréal (dir. Andrew Gray). Chef d'orchestre: Kent Nagano. Mise en scène: Daniel Roussel.

Maison symphonique, Place des Arts. Hier soir; reprises demain et samedi, 20 h. Séries «Grands Concerts».