C'est de nouveau programme français cette semaine à l'OSM. Pour l'occasion, Nagano a invité Marc Minkowski qui, malgré son nom, est un chef français. Né à Paris en 1962, M. Minkowski est bien connu en Europe et surtout en France, mais il nous visite pour la première fois. Son nom est principalement associé au baroque. Dieu merci, il sait faire autre chose, par exemple diriger des Ravel, Chausson et Roussel pleinement convaincants. Sur la foi de cet unique concert, on peut classer cette invitation parmi les heureuses initiatives du directeur artistique de l'OSM et même souhaiter un retour.

Concernant le Ravel, l'OSM avait annoncé l'habituelle suite en cinq mouvements tirée du ballet Ma Mère l'Oye - cette même suite que les Musici ont jouée il y a quelques jours. Le programme imprimé nous apprend qu'on entendra la partition complète, qui fait près d'une demi-heure. Les cinq pièces familières (dont l'une est déplacée) sont précédées d'un prélude et d'une autre pièce et sont séparées par des interludes. Dutoit et l'OSM enregistrèrent cette partition complète en 1983. Une bonne partie de l'orchestre a changé, mais le style est toujours là, ravivé par le chef invité: délicat, transparent, avec des timbres exquis dont cet inquiétant contrebasson omniprésent dans le tableau inspiré de La Belle et la Bête.

La mezzo américaine Susan Graham revient une fois de plus comme soliste. Cette assiduité commence à faire sourire. Mme Graham a, comme on dit, «de la classe». Il y en a tant qui n'en ont pas! Et la voix de 52 ans est encore belle et bien conduite. Mais le Poème de l'amour et de la mer de Chausson est très long et plutôt ennuyeux et la chanteuse n'en fait rien, principalement au niveau du texte, qu'elle a pourtant devant elle. On ne comprend à peu près pas un mot de ce qu'elle chante. L'OSM prend la peine d'inclure le texte dans le programme, avec traduction anglaise, mais s'entête à maintenir la salle dans l'obscurité. Ce qui n'empêche pas de remarquer qu'on a oublié d'inclure Le temps des lilas. C'est la dernière partie de l'oeuvre, la plus belle et la plus connue, et on la chante souvent séparément. Oublions Mme Graham. Le somptueux commentaire orchestral empêche le Chausson d'être un échec complet.

Le chef invité consacre l'après-entracte à la troisième Symphonie de Roussel. L'oeuvre néoclassique a été défendue ici tour à tour par Charles Munch, Serge Baudo, Michel Plasson et Dutoit. Marc Minkowski rejoint maintenant cette imposante lignée de chefs de tradition française qui donnent du poids à cette partition inégale. Commande du Boston Symphony pour son 50e anniversaire, elle y fut créée sous la direction de Koussevitzky en 1930. Roussel a manifestement voulu flatter le goût américain de l'époque avec cette motorique obsédante, cette gouaillerie et cet extraordinaire tapage. Le chef invité et l'orchestre entrent dans le jeu à fond de train et l'auditoire répond par une ovation monstre.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: Marc Minkowski. Soliste: Susan Graham, mezzo-soprano. Mardi soir, Maison symphonique, Place des Arts; reprise mercredi, 20 h. Séries «Grands Concerts».

Programme:

Ma Mère l'Oye, partition de ballet (1908-12) - Ravel

Poème de l'amour et de la mer
, op. 19 (1882-1893) - Chausson

Symphonie no 3, en sol mineur, op. 42 (1929-1930) - Roussel