L'Orchestre baroque Arion termine sa 31e saison -- et sa première à la nouvelle salle Bourgie - en réunissant la soprano Karina Gauvin et le chef et claveciniste Alexander Weimann pour un programme d'airs d'opéras.

Handel monopolise presque tout le programme, avec huit airs sur un total de 10, les deux autres étant de Vivaldi et de Leonardo Vinci. Un onzième air, de Leonardo Leo, fut retranché pour des raisons de longueur; mais un autre air de Handel fut ajouté en rappel hier soir et le sera sans doute aux reprises ce soir et demain après-midi.

En comptant ce rappel, six opéras de Handel sont représentés dans ces neuf airs : Alcina (trois fois), Orlando (deux fois), Lotario, Sosarme, Flavio et Atalanta (une fois chacun).

Question de varier un peu la formule du concert, le programme est assorti d'une petite mise en scène. Comme au music-hall, et dans le style «une bonne main d'applaudissements», M. Weimann lance d'abord un quelconque «Guest star quebec-ouâse» (!) pour accueillir la blonde et souriante chanteuse de Notre-Dame-de-Grâce un peu à l'étroit dans sa robe rouge feu.

Le chef invité dirige le petit orchestre de son clavecin dans quelques pièces, toutes de Handel encore; il y va aussi d'un solo. Sous sa direction pleine de relief, cordes et vents échangent toutes sortes d'idées nouvelles. Quelques interventions à signaler : Amanda Keesmaat au violoncelle, Washington McClain au hautbois.

Mais tout ce qui se passe à l'orchestre sert d'abord d'encadrement à la vedette de la soirée et d'accompagnement à ses lentes et solennelles entrées et sorties. En exceptionnelle forme vocale, musicale et spirituelle, Karina Gauvin a traversé avec une rare maestria, et sans le moindre signe de fatigue, ce programme extrêmement exigeant que peu de chanteuses, j'en suis sûr, oseraient s'imposer.

J'avoue qu'il y a chez Karina Gauvin un petit côté «chanteuse populaire» qui m'a toujours un peu gêné. Je m'empresse d'en faire abstraction devant la totale sincérité de son engagement en tant qu'artiste, engagement dont le présent programme constitue une parfaite illustration. La technique est stupéfiante, avec un souffle qui semble illimité et lui permet d'exécuter à une vitesse folle et sans effort apparent les plus terrifiantes séquences de mélismes. On en a presque le souffle coupé, surtout que, partout, la voix demeure riche, colorée et juste. Il arrive que la diction soit, ici et là, un peu sacrifiée cependant.

Karina Gauvin ne s'arrête pas à la virtuosité et à la beauté vocale. Elle apporte à tous les airs du présent programme le maximum d'expression et, à certains, comme ceux d'Alcina, une émotion incroyable, plutôt rare en musique baroque, une émotion qui pourrait se mesurer en kilos plutôt qu'en mots et qui annonce certainement le verismo d'un siècle plus tard.

ORCHESTRE BAROQUE ARION. Chef invité : Alexander Weimann, claveciniste. Soliste : Karina Gauvin, soprano. Hier soir, Salle Bourgie du Musée des beaux-arts. Reprise ce soir, 20 h, et demain, 14 h. Une heure avant chaque concert : conférence de Claudio Ricignuolo. Après le concert : rencontre avec les artistes.