Finalement, Stéphane Tétreault a décidé de donner son récital entier sur son nouveau violoncelle, ce Stradivarius de 1707 évalué à 6 000 000 $ qu'une mécène montréalaise a récemment acquis et mis entre ses mains pour une période de temps indéterminée.

Lundi dernier, à cinq jours du récital, le jeune musicien de 18 ans nous confiait ne pas se sentir parfaitement prêt à le donner entièrement sur son nouvel instrument. Il allait utiliser son autre violoncelle, un quelconque anonyme de 1760 environ, et garderait pour un possible rappel le fameux «Strad» joué pendant plus de 50 ans par Bernard Greenhouse, le légendaire violoncelliste du Trio Beaux-Arts.

Samedi, quelques minutes avant le récital, le père du jeune musicien, qui le suit comme une ombre, nous informait que son fils n'avait pas encore pris de décision... Françoise Davoine, qui l'interviewait sur scène (pour radiodiffusion future), lui arracha enfin la confidence que tous attendaient : il donnerait tout son récital sur le nouveau violoncelle.

On nota, oui, quelques petites imprécisions : un passage manquant un peu de justesse, un léger grincement, l'«apprivoisement» n'étant pas tout à fait terminé. Mais ce sont là des riens en comparaison de la prestation de très haut niveau qu'il a offerte, et ce, entièrement de mémoire, et en constant dialogue avec son excellent pianiste, vers lequel on le voyait tendre l'oreille.

Avant tout, Stéphane Tétreault a joué comme il le fait depuis que nous le connaissons, c'est-à-dire, avant même d'avoir 20 ans, comme un grand musicien qui transcende l'instrument.   

La Suite italienne, que Stravinsky tira de son ballet Pulcinella avec l'aide précieuse de Piatigorsky pour la partie de violoncelle, exploite à fond le vocabulaire technique de l'instrument et le jeune Tétreault y apporta contrastes et couleurs.   

Dans l'unique Sonate de Chostakovitch, l'influence du maître Yuli Turovsky était évidente dans l'approche globale et particulièrement au déchirant Largo, le troisième mouvement, où le contrôle de la matière instrumentale et expressive était total.   

Stéphane Tétreault terminait avec la transcription, de Jules Delsart, de la grande Sonate pour violon de César Franck. L'oeuvre prend au violoncelle une couleur sombre, bien différente de l'original, mais parfaitement convaincante entre de telles mains et dans la résonance profonde d'un tel instrument.   

Le jeune homme avait parlé d'un rappel. Il en accorda deux : la Méditation de l'opéra Thaïs, de Massenet, et Le Cygne, extrait du Carnaval des animaux, de Saint-Saëns, tous deux impeccables. Il devra apprendre cependant à ne pas tant se hâter vers les rappels, apprendre aussi à parler plus clairement...   

Bien que très médiatisé, l'événement n'avait rempli qu'à moitié la salle de 800 places. Daniel Poulin, l'organisateur, fit savoir que le Steinway était fourni par Pianos Bolduc, les nouveaux représentants au Québec de la grande firme américaine.

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STÉPHANE TÉTREAULT, violoncelliste, et SASHA GUYDUKOV, pianiste. Samedi après-midi, Théâtre Outremont. (Radiodiffusion : Radio-Canada, 4 mars, 21 h.)

Programme: Suite italienne (1932) - Stravinsky

Sonate en ré mineur, op. 40 (1934) - Chostakovitch

Sonate en la majeur (1886) - Franck, arr. : Delsart