Le premier concert de la série du soir des Musici de Montréal était donné sans Yuli Turovsky au pupitre et sans sa femme Eleonora au violon-solo. Les fondateurs du petit orchestre, simples auditeurs parmi les quelque 1 000 réunis à la salle Claude-Champagne hier soir, avaient confié le concert à leur jeune compatriote russe Maxim Vengerov, violoniste devenu chef d'orchestre.

Vengerov s'était produit ici comme chef d'orchestre une première fois l'an dernier, les 20 et 21 octobre, à l'OSM, dans une Pathétique de Tchaïkovsky qui avait laissé une profonde impression. On ne peut en dire autant de son travail avec les Musici.

Le programme requérait une augmentation des effectifs de 15 à 36 musiciens, ce qui est encore loin des quelque 100 de l'OSM. En fait, le contexte cette fois était proche de la musique de chambre et l'acoustique précise de Claude-Champagne soulignait les moindres fautes.

Que M. Vengerov prenne la partition pour des oeuvres relativement faciles comme l' Inachevée de Schubert et la Jupiter de Mozart a de quoi surprendre, surtout qu'il avait dirigé la Pathétique de mémoire.

Les instrumentistes des Musici ont fini par s'habituer à la gestuelle souvent curieuse de M. Turovsky, mais on ne pouvait leur demander de comprendre instantanément la baguette peu orthodoxe de l'invité d'un soir. On a donc compté bien des imprécisions dans les départs et dans l'équilibre des groupes, sans parler des détails d'articulation manifestement négligés en répétition.

M. Vengerov ne manque pas d'idées comme interprète. On sent du drame dans son Schubert et dans son Mozart. L'influence de Tchaïkovsky sans doute, son mouvement lent du Mozart est un peu doucereux. Dans les circonstances, on ne regrettait aucunement l'omission de certaines reprises.

Reprenant son archet pour quelques minutes, M. Vengerov joua la deuxième Romance de Beethoven, dirigeant l'orchestre en même temps. C'était là l'offrande d'un très grand violoniste qui, de toute évidence, n'avait pas travaillé son instrument depuis quelques jours.

Le véritable héros de la soirée fut le très jeune violoncelliste Stéphane Tétreault, élève de 17 ans de M. Turovsky entendu l'été dernier à la Maison Trestler. Il traversa, et de mémoire, les très difficiles Variations sur un thème rococo de Tchaïkovsky avec la technique, l'assurance, la musicalité et la justesse d'un musicien aguerri. Il fallait observer le silence de la salle dans la redoutable cadence qui précède la belle sixième variation en mineur.

Il manque une chose à ce jeune surdoué: un instrument digne de lui. Peut-être aussi une deuxième: assez de goût pour refuser des pièces comme ce rappel, tout en ricanements, signé Airat Ichmouratov, compositeur local d'origine russe.

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I MUSICI DE MONTRÉAL. Chef invité: Maxim Vengerov, violoniste. Soliste: Stéphane Tétreault, violoncelliste. Hier soir, salle Claude-Champagne de l'Université de Montréal.

Programme:

Symphonie no 8, en si mineur, D. 759 (Inachevée) (1822) - Schubert

Variations sur un thème rococo, pour violoncelle et orchestre, op. 33 (1876) - Tchaïkovsky

Romance pour violon et orchestre no 2, en fa majeur, op. 50 (1802) - Beethoven

Symphonie no 41, en do majeur, K. 551 (Jupiter) (1788) - Mozart