Le deuxième récital de l'été au Casavant de la Basilique Notre-Dame était donné hier par Julia Dokter, organiste canadienne d'origine hollandaise âgée de 33 ans.

Comme l'invité de la semaine dernière, Mme Dokter étudie avec John Grew et, comme lui, avait favorisé un programme très varié - sept compositeurs en une heure! - mais centré cette fois sur le répertoire français de deux grandes époques: le post-romantisme de Widor, Franck et Boëllmann et le contemporain de Jehan Alain d'abord puis de Thierry Escaich et Valéry Aubertin.

Julia Dokter s'est révélée une organiste complète: elle est virtuose, elle sait registrer et elle a quelque chose à dire. Ces trois qualités de base, on put les observer dans les deux pages les plus importantes du programme, à savoir le premier mouvement, Allegro, de la sixième Symphonie de Widor (sol mineur, op. 42 no 2) et le troisième et dernier Choral de Franck, en la mineur.

Puisant avec goût aux ressources complètes de l'imposant orgue symphonique de Notre-Dame, Julia Dokter signa un Widor plein de grandeur et de noblesse et exempt de toute vulgarité (chose difficile à réaliser dans cette musique!) et traversa ensuite le Franck sur des timbres d'un vif éclat et dans un mouvement frénétique, ce cadeau secret du «vieil ange belge» à sa chère Augusta Holmès prenant soudain un caractère quasi torturé.

Dans le Franck, l'organiste plaça l'Adagio central sur le hautbois 8-pieds du Récit, tel que demandé par le compositeur, mais en y créant une couleur très étrange par l'ajout d'un bourdon.

De Jehan Alain, elle maintint Le Jardin suspendu de 1934 sur les hauteurs désirées, c'est-à-dire les jeux aigus et doux des petits claviers.

Le deuxième mouvement de la Sonatine pour les Étoiles d'Aubertin et la deuxième Évocation d'Escaich, annoncés ainsi dans le programme, furent joués dans un ordre inverse. Ce mouvement obsédant évoquant celui d'une locomotive venait donc d'Escaich, prodigieux organiste et improvisateur entendu ici même il y a quelques années.

Dans ces deux pages actuelles, tout comme dans celle d'Alain, l'organiste transforma, pour ainsi dire, l'orgue romantique de Notre-Dame en un véritable instrument moderne.

Les deux derniers mouvements de la Suite gothique de Boëllmann terminaient le récital. Touchante simplicité de déroulement et de jeux dans Prière à Notre-Dame, tempo trop lent pour la Toccata. Seule pièce «étrangère» du programme, l'ennuyeuse Cantilene de la onzième Sonate de Rheinberger (ré mineur, op. 148) n'y ajoutait strictement rien.

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JULIA DOKTER, organiste. Hier soir, Basilique Notre-Dame (orgue à traction électropneumatique Casavant (1890-1991); 92 jeux, quatre claviers manuels et pédale).