Un concert-bénéfice de l'Orchestre de l'Université de Montréal en hommage au recteur sortant, M. Luc Vinet, nous permit non seulement de retrouver le titulaire Jean-François Rivest avant la fin de son congé sabbatique, mais encore et surtout de réentendre Manon Feubel, dont la carrière se déroule principalement en Europe.

Nous venons d'entendre en l'espace de quelques jours deux grandes sopranos d'opéra: Sondra Radvanovsky vendredi et Manon Feubel lundi. Malgré la différence de salles (la première à Wilfrid-Pelletier, la seconde à Claude-Champagne), une comparaison est possible, surtout que les deux avaient choisi l'air de Roussalka de Dvorak.

 

Des deux, c'est Manon Feubel qui était le plus en voix, l'autre montrant des signes de fatigue dont on se passerait volontiers. Feubel possède d'ailleurs une voix plus riche et plus puissante que l'autre; en fait, c'est la seule qui mérite le titre convoité de soprano dramatique.

Ce qui ne veut pas dire que notre Saguenéenne soit prête à remplacer les Milanov, Callas et Tebaldi. Deux qualités devraient lui assurer une place importante dans le monde de l'opéra: une voix immense et très belle et une totale sincérité d'interprète. Mais elle a besoin d'une direction.

Bien qu'elle ait légèrement détonné en passant du parlé au chanté dans l'Ave Maria de l'Otello de Verdi (et deux fois, car elle bissa l'air), je ne dirais pas qu'elle a besoin d'un coach vocal. Dans l'ensemble, la voix se déployait sans problème, le grasseyement dans Massenet étant sans doute difficile à contrôler.

Ce qu'il faut à Manon Feubel, c'est un directeur artistique qui lui enseignera comment phraser avec cet art incomparable des modèles mentionnées plus haut, un guide qui lui enseignera tout, en fait, à commencer par l'élémentaire nécessité de laisser à la maison le genre bonne-fille-de-la-campagne pour adopter, avec circonspection, bien sûr, un peu du genre... oui, j'ose le dire, du genre diva.

Rivest l'a accompagnée avec une intensité de tous les instants. Il complétait le programme avec deux extraits des Planets de Holst, où la masse orchestrale vibrait d'une sorte d'insondable profondeur cosmique, et l'Adagietto de la cinquième Symphonie de Mahler, où pensée et legato des cordes se confondaient miraculeusement.

ORCHESTRE DE L'UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Jean-François Rivest. Soliste: Manon Feubel, soprano. Lundi soir, salle Claude-Champagne de l'Université de Montréal.