Avec Rites de passage, son premier album sorti à l'automne 2016, Émile Bilodeau s'est vite taillé une place dans le coeur du public, particulièrement celui des jeunes - un exploit en soi. À 22 ans, il a enregistré cet hiver son deuxième disque, qui sortira l'automne prochain. Nous l'avons accompagné en studio.

Énergie

« En ce mercredi 9 janvier, bonne journée et bonne track tout le monde ! », lance Émile Bilodeau juste avant de commencer l'enregistrement d'une chanson, dans un studio du boulevard Saint-Laurent où il s'est installé avec son équipe pour trois semaines. L'ambiance est concentrée, mais joyeuse, et l'énergie du jeune auteur-compositeur-interprète est au maximum. Comme d'habitude.

« Émile est partout et ses chansons sont comme lui. C'est vraiment rafraîchissant », confirme Eli Bissonnette, président de la maison de disques et agence Dare to Care/Grosse Boîte, qui s'occupe de la carrière d'Émile Bilodeau depuis la sortie de son premier disque et qui assiste à presque toutes les séances d'enregistrement.

« Il est toujours dans le tapis. Il nous crie dans le micro entre les prises, il sort de son cubicule en disant : "Yes sir, la gang, je suis vraiment content !" En fait, il dit qu'il est content à peu près 25 fois par jour. »

Précoce

Émile Bilodeau est un capitaine - dans les sports qu'il a pratiqués et en impro, c'est souvent le poste qu'il a occupé -, un rassembleur qui aime la compétition, mais aussi le travail d'équipe. Quand il joue comme gardien de but dans la même équipe de soccer qu'Eli Bissonnette, il encourage continuellement les autres joueurs. « Même sur une toute petite passe sans enjeu réel, il va taper dans les mains, nous crier : "C'est beau, les gars !" »

Son charisme et son enthousiasme, c'est ce qui a séduit Eli Bissonnette lorsqu'il a vu Émile Bilodeau pour la première fois en finale du concours Les Francouvertes, en 2015. « Ça et son talent d'auteur-compositeur. Il avait 18-19 ans, il n'était pas tout à fait mûr, mais il savait déjà écrire des tounes. »

La chanson Ça va, qui clôt son premier album et qu'il a écrite après la mort de son grand-père, est devenue un magnifique hymne à la vie entonné en choeur par le public partout où il passe. Il était en 5e secondaire quand il l'a composée.

« Quand il a joué Ça va aux Francouvertes, je n'en revenais pas d'une telle profondeur. Oui, il a un talent précoce. Si j'avais écrit des chansons à 17 ans, ça n'aurait jamais été bon de même ! »

- Eli Bissonnette, président de la maison de disques et agence Dare to Care/Grosse Boîte

En studio pour son deuxième disque, Émile Bilodeau sait bien que les conditions ne sont plus les mêmes. Il y a deux ans, on ne savait rien de lui : il n'était qu'un petit gars de Longueuil sans contacts dans le milieu de la musique, avec comme seul bagage beaucoup d'aplomb et un univers foisonnant. Aujourd'hui, il sait qu'on l'attend et qu'il doit répondre à ces attentes.

« C'est fou comme mon début de carrière est candide, dit celui qui s'est promené de concours en concours accompagné par son père et ses chansons enregistrées sur son iPhone de l'âge de 16 à 19 ans. Là, c'est plus pragmatique, j'envoyais mes chansons au fur et à mesure à mon gérant. Mais elles sont sorties quand même, et j'ai eu du plaisir à les faire. »

Émile Bilodeau l'avoue : son grand enjeu, lorsqu'il écrit, c'est que tout va très vite dans sa tête. « Des fois, je suis rendu 200 km en avant, quand je n'ai pas fait 1 km dans ma toune. Je sais où je veux aller, je le vois, mais je n'ai pas de refrain et juste un couplet... »

« Émile a une manière très spontanée d'écrire et veut souvent tout dire dans une même chanson, souligne Eli Bissonnette. Notre job, c'est de l'aider à cibler les bonnes idées et à canaliser son énergie. »

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Émile Bilodeau s'amuse avec la batteuse Sarah Dufour.

Matière première

Émile Bilodeau, lui, se voit comme « un fournisseur de matière première » et fait confiance aux gens qui l'entourent. « Un album, ça ne se fait pas tout seul. J'ai une équipe, des musiciens, un Philippe B à mes côtés. »

Philippe B qui avait réalisé son premier disque et qui est encore aux commandes cette fois-ci. Le contraste entre les deux hommes ne peut être plus grand : l'un est sérieux et hyper cartésien, l'autre est survolté et spontané. Un duo aussi improbable qu'intéressant à observer. D'ailleurs, le matin de notre passage en studio, nous avons assisté à une discussion serrée autour du choix d'une métaphore liée au jeu d'échecs, schéma à l'appui.

« C'est une belle expérience de s'obstiner avec Philippe B !, dit en rigolant Émile Bilodeau. Il y a cinq ans, tu m'aurais dit que je ferais ça un jour et je ne l'aurais jamais cru. »

C'est clair, Émile Bilodeau a pris de la confiance et connaît davantage les rouages de son métier. Si, à l'époque, il avait enregistré avec des (bons) musiciens choisis par sa maison de disques, ce sont ceux de sa tournée qui travaillent maintenant avec lui - Sarah Dufour à la batterie, Simon Veillet à la basse et Nathan Vanheuverzwijn aux claviers.

« Il défend plus ses idées parce qu'il sait qu'il est capable de faire des chansons et que les gens les aiment. Mais même si la dynamique est différente parce qu'il est avec son monde et qu'il est moins gêné d'être là, je ne dirais pas qu'il a changé tant que ça, ni qu'il est devenu plus mature », dit Philippe B, qui raconte que même épuisé comme on l'a vu à la fin de la séance de travail ce matin-là, Émile Bilodeau n'est jamais beige.

« Il ne se met pas sur le pilote automatique même s'il est claqué. Et puis 30 minutes après, il peut aller manger et redevenir all in ! Disons qu'avec Émile la motivation n'est pas un problème. »

- Philippe B, réalisateur et auteur-compositeur-interprète

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Émile Bilodeau enregistre dans un studio du boulevard Saint-Laurent où il s'est installé avec son équipe pour trois semaines.

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Émile Bilodeau, Eli Bissonnette et Philippe B en pleine séance de travail.

Robinet ouvert

Si Philippe B a accepté de réaliser ce nouvel album d'Émile Bilodeau, c'est parce que c'est « du bon matériau tout le temps ». 

« Il est capable d'ouvrir les vannes facilement, il n'a pas de frein. C'est pour ça qu'il pouvait faire de l'impro, il y avait déjà chez lui ce bouillonnement. C'est ce naturel qui fait qu'il connecte aussi facilement avec les gens. Les jeunes auditeurs ont l'impression qu'il leur parle pour vrai. »

Le réfléchi auteur-compositeur-interprète conçoit qu'Émile Bilodeau aspire à plus de méthode et à se faire reconnaître comme un artisan sérieux de la chanson. « La rigueur, c'est quelque chose qui se travaille, alors qu'avoir accès aussi facilement à ce robinet, ça ne s'apprend pas », dit Philippe B.

« C'est sûr que le gars qui a eu de la misère à passer son cégep aimerait qu'on lui dise qu'il est organisé. À l'opposé, le lettré aimerait être capable de trouver en 30 secondes une phrase, la lire pour la première fois à quelqu'un et le faire pleurer. »

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Toute l'équipe écoute attentivement le résultat de l'enregistrement du matin.

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En grande discussion avec le claviériste Nathan Vanheuverzwijn