Ce soir, Whitehorse apporte ses mélodies claires-obscures à Montréal en lumière. Luke Doucet nous éclaire sur le processus créatif du tout aussi créatif duo qu'il forme avec son épouse Melissa McClelland.

Luke Doucet a vécu à Nashville, à New York, à Halifax, à Winnipeg et à Vancouver. Désormais installé à Toronto, le musicien s'étonne presque de n'avoir jamais habité la Belle Province. «J'ai été éduqué en immersion française au Manitoba, mon père est acadien. Pourtant, j'ai toujours abouti dans des villes majoritairement anglophones.»

Du moins, pour y habiter de façon permanente. Car pour jouer de la musique, il s'arrête souvent au Québec avec son âme soeur artistique et amoureuse, Melissa McClelland. «Nous rencontrons parfois des gens qui veulent bien nous écouter, remarque-t-il humblement dans son français gracieux. C'est génial et très sympa pour nous, mais je ne saurais dire pourquoi.»

Peut-être parce que... la liste est longue. Parce que leurs prouesses instrumentales, parce que leur complicité, parce que leurs compositions très personnelles. Et puis: l'harmonie magique de leurs voix, leur façon de chanter la langueur, la tristesse, le désir, le monde qui les entoure.

Reprises originales 

En près d'une décennie, les complices ont fait paraître cinq albums de compositions originales faites de pop, de country, de folk, de rock et même de douce musique mélancolique et romantique de Noël.

Tout au long de leur parcours, ils ont également exploré l'art de la reprise. Notamment des grands classiques du blues. D'abord en 2016, sur le EP Northern South vol. 1, qu'ils font suivre, cette année, par le volume 2, toujours sous étiquette Six Shooter Records.

Inspiré, le guitariste à l'approche poétique note que, pour lui, «le blues, c'est comme le skate ou les jeux vidéo». Il précise: «Vous savez, ces activités que l'on fait quand on est ado et que, une fois plus vieux, on aime revisiter de temps en temps avec nos copains? Eh bien, c'est grâce au blues que j'ai appris la musique, de façon très intime, il y a 25 ans. Si j'en joue aujourd'hui, c'est pour mon plaisir. Pas pour devenir un maître.»

Des maîtres du genre, les deux membres de Whitehorse (qui n'en sont guère originaires) en revisitent pourtant beaucoup. Notamment Howlin' Wolf que Luke a découvert grâce à son père, qui jouait de la guitare en Louisiane et qui, en revenant au Canada pour retrouver son garçon alors âgé de 13 ans, lui a offert un tas d'albums: «Muddy Waters, Robert Cray, Robert Johnson, Robert King, Freddie King, énumère-t-il... Mais Howlin' Wolf était toujours mon favori.»

Sur le second Northern South, on trouve d'ailleurs son Who's Been Talkin', que Luke décrit comme «un superbe mélange entre un pardon et une accusation à l'être aimé». Une pièce qu'il chante avec celle qu'il aime et dont il compare l'éventail vocal à celui de Patsy Cline.

«La voix de Melissa est très belle. She's not dark, tu comprends ? Elle offre un paradoxe entre la lumière et son absence, qui est d'ailleurs toujours présent entre nous quand nous chantons ensemble», indique Luke Doucet.

Parlant d'ensemble, plusieurs imaginent Luke et Melissa composant des morceaux côte à côte, dans la même pièce, toujours. Faux. «Mon processus est très solitaire. Quand j'avais 14 ans et que ma mère descendait au sous-sol pour m'écouter pratiquer, j'arrêtais. "Maman, il faut que tu me laisses tranquille! Je ne peux pas jouer de la guitare quand tu es dans la pièce!" Melissa, ça ne la dérange pas. Elle joue du piano pendant des heures pendant que moi, à côté, je joue avec notre fils.»

Si cette image donne d'eux un air relax, moult choses les inquiètent néanmoins. Ils les évoquent notamment dans leur relecture du classique John the Revelator («porté à l'origine par une essence apocalyptique»): les changements climatiques, la montée du populisme... «Mais ce n'est pas facile d'insérer ses opinions politiques dans la musique populaire, analyse Luke. Il faut être prudent pour ne pas en détruire l'esprit.»

Et, puisqu'il est question d'esprit, notons que celui de leurs racines traverse leur musique. Qu'ils laissent respirer. «J'ai passé 12 ans au Manitoba, sur les Plaines, se souvient-il. Le ciel y est énorme. Il y a de grands espaces. Des espaces que l'on entend dans la musique de Neil Young, dans celle de John K Samson, dans la nôtre. Je pense que c'est une des choses qui donnent à nos morceaux quelque chose d'unique et d'uniquement nordique...»

Whitehorse, à l'Astral, samedi à 20 h.