À l'évidence, Daniel Bélanger s'est remis à faire du Daniel Bélanger. «Mon dernier album de ce type fut L'échec du matériel, sorti en 2007», corrobore l'interviewé, sourire aux lèvres, placide et détendu au terme d'une séance de photos qui complète cette interview.

L'auteur, compositeur, chanteur, multi-instrumentiste et réalisateur a retrouvé ses identités sonores et chansonnières là où il les avaient stationnées avant d'emprunter le chemin funky/jazzy/folk de l'opus Nous, la piste country/rock'a'billy de Chic de ville sans compter la démarche de compositeur pour les comédies musicales de Michel Tremblay Belles-soeurs et Le chant de Sainte Carmen de la Main.

«Je m'étais éclaté à travers ces projets, je suis allé là où ça m'amusait. J'ai dû assumer ce qui était sorti de moi, même si cela pouvait sembler désincarné pour certains. Je peux de nouveau assumer ce qui me ressemble, ce qui se trouve au plus proche de moi.»

Contrairement à ce que dit l'une de ses nouvelles chansons, Daniel Bélanger a retrouvé «le fil de la bobine», enfin ce qu'on a connu de lui et tant apprécié par les années passées.

Fiction et for intérieur

Pendant la dernière année et la moitié de celle qui l'a précédée, il a été «habité» par Paloma, un album au titre aviaire («paloma» signifie «colombe» en espagnol) et qui dépeint plusieurs vols de l'intérieur.

«Cet album est une réflexion sur la sérénité et la paix, avec soi-même et avec les autres, dit-il. Toujours avec l'idée de ne pas se morfondre ni de s'apitoyer sur son sort.»

«D'une chanson à l'autre, ce n'est pas toujours moi qui m'exprime en tant que moi; comme d'habitude, je propose un mélange entre la fiction et ce qui peut venir de mon for intérieur.»

Des exemples? Il choisit d'abord Tout viendra s'effacer

«Ça raconte un gars aux prises avec sa journée de la marmotte personnelle. Plus précisément, c'est le trouble d'un obsessif compulsif, trouble dont je ne souffre pas personnellement. Je me suis plutôt amusé à me mettre à côté du personnage et deviner ce qu'il pouvait penser. Je me suis alors amusé à développer ce thème en répétant le deuxième couplet de manière à bien appuyer l'effet.»

Il cite ensuite Métamorphose

«Ce texte est celui qui s'approche le plus de moi. Ça évoque ce hamster qui roule dans ma tête et qui ne peut plus s'arrêter. Il peut s'installer et se mettre à trotter après une journée de travail en studio où je n'ai cessé d'appuyer sur play et sur rewind. À partir de là, je joue à changer la température, je sors de mon truc personnel et je mets une musique complètement heavy pour quelqu'un qui cherche la paix, j'aime bien ces changements de température.»

Puis, il sélectionne Un deux trois j'aurai tout oublié

«Chez moi, autrefois, il y avait régulièrement des pannes d'électricité. Je me retrouvais alors dans une bulle, sorte de monde parallèle un peu désagréable et insécurisant d'entrée de jeu et... quand l'électricité revenait, j'étais un peu déçu! Il me fallait revenir à la réalité. Dans cette chanson, j'ai développé sur cette appréciation de la noirceur obligée... J'ai finalement écrit un dernier couplet à ce récit afin d'y trouver une issue; le narrateur songe alors à des peines antérieures qu'une femme viendra balayer de son souffle.»

Daniel Bélanger adore composer des musiques exclusivement instrumentales, Prédications arrive à la huitième des 10 stations au programme.

«C'est une sorte de trou normand qui fait passer ce qui a été absorbé, ça nettoie et reprogramme l'écoute jusqu'à la fin. À partir de là, je pouvais revenir avec la chanson Paloma, qui reflète bien l'esprit général de cet album. Tout se trouve dans les deux premières phrases: «On laissera un peu de soi/En chacun croisant nos pas », après quoi je construis sur cette idée: dans la tête de chacun, des traces laissées par d'autres sont enfouies et peuvent se dévoiler de nouveau, contre toute attente.»

Les voyages intérieurs de Paloma se concluent par Un, qui dépeint un être en voie de trouver la voie: 

«Qu'il est long le trajet sans silence dans le coeur du voyageur», y chante le narrateur en quête de sérénité, d'équilibre, de paix intérieure, d'amour pour l'autre. Qui trouve «le passage vers la clé» dans l'infiniment petit.

De A à Z

Musicalement, Daniel Bélanger est aussi revenu à son identité originelle, facture proverbiale qu'il a fait ici évoluer. Musicien d'expérience, le cinquantenaire a tout composé, tout bricolé, tout réalisé.

«Généralement, explique-t-il, je fais tout dans mon studio à l'étape de la préproduction, après quoi, je convoque les musiciens à interpréter mes maquettes. Or, cette fois, je n'ai pas senti le besoin de transposer ça avec d'autres musiciens, sauf quelques pistes - Jean-François Lemieux, basse, Maxime Lalanne et Marc Chartrain, batterie.»

Ainsi, il a arrangé et trafiqué les choeurs avec sa propre voix, il a joué les guitares, le banjo, l'udu, la basse, la batterie, l'harmonium, les synthés, les bidules électros. Qui plus est, il a imaginé des progressions harmoniques sur des accords ouverts (open tuning) et des ornements parfois orientaux à sa pop de création.

«Ça m'a forcé à sortir de mes réflexes de positionnement de main à la guitare, et donc à faire avancer l'affaire. Ça m'a plu, je suis allé ailleurs pour voir si j'y étais.»

Justement, Daniel Bélanger y était...

Daniel Bélanger partira en tournée le 23 mars prochain et s'arrêtera au Métropolis les 30 et 31 mars.