Au printemps 2014, le trio féminin Motel Raphaël a apporté un vent de fraîcheur à la scène musicale montréalaise avec sa musique folk-pop girlie mais battante, qui rappelait l'univers de la série Girls et du groupe Haim.

Deux ans plus tard, Emily Skahan et Maya Malkin sont toujours colocs, alors que Clara Legault s'apprête à déménager avec son copain. Dans la vie comme en musique, les trois amies ont gagné en maturité et cela s'entend à l'écoute de leur deuxième album System, sorti vendredi dernier.

Les trois jeunes femmes - qui ont grandi dans un univers montréalais bilingue - incarnent la génération millénaire pétillante et rêveuse. Pour la petite histoire, Clara et Emily ont fait connaissance au Divan orange lors d'un spectacle d'Hollerado. Deux ans plus tard, Emily a rencontré Maya en allant chercher son «4%» dans un bar de karaoké. Puis, elles ont commencé à faire de la musique sous un nom - Motel Raphaël - emprunté à l'ancien établissement mythique du patrimoine kitsch montréalais.

Bilan du premier album

À l'image de l'accueil reçu, Emily Skahan, Clara Legault et Maya Malkin ont dressé un bilan positif de leur premier album, Cable TV. Parmi les faits saillants, la première partie de Tegan and Sara au Métropolis, une prestation à Osheaga et une critique dithyrambique dans le GQ britannique. «C'était presque un choc pour nous, car nous avons vraiment travaillé DIY [do-it-yourself], raconte Maya. Nous l'avons fait avec l'argent de nos amis et avec [le site de collecte de fonds] Indiegogo», rappelle-t-elle.

Motel Raphaël a donné quelque 30 spectacles un peu partout au Canada.

«C'était parfait avec nos emplois à temps plein. Et cela nous a donné la flamme pour continuer, même si on ne gagne pas notre vie avec notre art», se remémore Clara Legault.

Pour System, Motel Raphaël s'est donné comme mot d'ordre de faire un album plus dansant. «Des gens nous ont dit que c'était des chansons d'amour tristes et nostalgiques. Cette fois-ci, c'est différent. Nous avons un nouveau son», annonce Maya.

Exit le vibraphone et les cuivres. Et bienvenue les synthés et la batterie électrique. «C'est plus électro, mais nous jouons de la guitare électrique.»

Vu l'âge de ses trois auteures-compositrices qui avancent dans la vingtaine, System s'avère un album moins exacerbé émotivement que le premier. Les trois filles ont plus de recul et de sagesse, si bien qu'elles ne parlent pas nécessairement au «je». La chanson Older Than Old raconte, par exemple, la belle histoire d'amour d'un couple âgé.

Les textes mettent de l'avant des thèmes et des scènes du quotidien, comme l'anxiété, le désir de vengeance, le couple, Tinder et l'argent. Des thèmes de la génération des millénaires, quoi. Surtout la chanson Wealthy Men, née un jour où Clara faisait des courses alors qu'elle était fauchée. Elle s'est mise à en vouloir aux hommes riches de la terre alors qu'elle ne pouvait pas s'offrir une bouteille de vin. «La frustration de filles comme nous qui ont des bacs et qui ont tout fait pour réussir, mais qui ont de la misère à payer le loyer», souligne-t-elle.

En marge de la musique, Emily travaille dans un bar, Maya bosse dans une boîte de production, alors que Clara a un poste dans un bureau d'architecte. Or, l'une a étudié en cinéma et communication, l'autre, en création littéraire et science politique, et la troisième, en théâtre.

Motel Raphaël a coréalisé System avec Rod Shearer (The Stills, Bobby Bazini) et a invité en studio le musicien et arrangeur Liam O'Neil (Kings of Leon, The Stills, Jean Leloup). Ces derniers avaient de hauts standards de qualité, mais ils respectaient aussi les désirs du trio. «Nous sommes tous têtus, dit Clara. C'était un beau bounce d'idées.»

Vendredi, Motel Raphaël donnera un spectacle-lancement au théâtre Fairmount avant de se produire dans quelques villes canadiennes. Une virée américaine se dessine par la suite.

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POP-ROCK. System. Motel Raphaël. Union Label Group/Warner.