Salué à 20 ans à peine comme un refondateur de la scène «indé» avec son groupe Beirut, l'éclectique Zach Condon, qui file maintenant sur ses 30 ans, a vu sa vie se disloquer il y a deux ans. Avant de renaître en Turquie.

Affaibli par des années de concerts incessants et un divorce, l'artiste installé à New York a été hospitalisé lors d'une tournée en Australie en 2013 et s'est mis en retrait du monde musical de façon aussi soudaine qu'il était apparu dans le paysage sept ans plus tôt.

No No No, premier album de Beirut depuis cet épisode douloureux, sort vendredi. Ces neuf nouvelles chansons témoignent du retour de l'inspiration chez le jeune homme de 29 ans, qui s'est ressourcé, loin de la musique, du côté d'Istanbul.

Il a retrouvé en Turquie le calme en même temps que l'amour: sa nouvelle petite amie turque l'a accueilli dans sa ville et sa famille pour des séjours prolongés qui ont permis à l'artiste globetrotter de recharger ses batteries.

«J'ai vraiment eu le sentiment, en allant Turquie, qu'il s'agissait d'apprendre - pas au sujet de la musique mais au sujet de la vie», raconte à l'AFP Zach Condon, assis dans un café de Brooklyn, tout près de l'endroit où fut enregistré son nouveau disque.

«J'ai réalisé de façon plutôt bizarre à quel point je connaissais peu de choses sur le monde. Istanbul est devenue ma seconde maison», sourit le jeune homme au visage poupin, vêtu d'un simple t-shirt, cigarette à la bouche.

Beirut - groupe qui n'a aucun lien avec le Liban en dépit de son nom - a attiré l'attention dès son premier album, en 2006, avec des chansons sonnant comme des airs atemporels des Balkans alors qu'elles furent bricolées en solo par Condon dans sa chambre au Nouveau-Mexique.

Profonde, mélancolique, sa voix a rapidement trouvé ses fans aux États-Unis comme en Europe, où il fut parfois comparé à Stephin Merritt, parrain de la scène «indé» américaine, ou même à Jacques Brel, dont il a repris Le moribond.

Visite à Beyrouth

Paradoxalement, la nouvelle passion de Condon pour la Turquie n'est pas perceptible à l'écoute de ce quatrième disque, qui creuse les sillons des précédents avec la présence en arrière-plan de cuivres et de choeurs. «Quel que soit mon amour pour la musique turque, je ne peux pas en faire partie. C'est si loin de la musique que je connais que je ne peux que l'écouter en touriste», dit-il.

Autre surprise à l'écoute de cet envoûtant No No No: la joie qui s'en dégage malgré les tourments personnels de son créateur.

La fanfare de Beirut est bien là, en arrière-plan, comme sur la chanson-titre, mais les cuivres restent au second plan, laissant le beau rôle à une petite mélodie pop. Des titres comme Gibraltar, August Holland et Perth s'appuient sur des progressions à la guitare ou au piano avec des tempos plutôt relevés.

New Yorkais depuis une dizaine d'années, Condon souligne qu'il va rapidement réfléchir à une installation à Istanbul. Ce grand voyageur a également fait récemment un séjour dans une ville décisive à ses yeux: Beyrouth.

Le groupe a joué pour la première fois au Liban l'an dernier lors du festival de Byblos, au nord de la capitale. Mais son leader avait lui-même visité Beyrouth en 2013 pour enfin découvrir, avec sa petite amie turque, l'endroit qui a donné son nom au projet. Une ville «héroïquement belle», selon Condon, frappé par la scène musicale locale et notamment la musique électronique jouée dans les clubs.

«Dès que vous me dites un nom de ville, mon imagination s'emballe. Beyrouth pour moi a toujours été la chose la plus proche et la plus éloignée que je pouvais atteindre culturellement», dit-il pour expliquer le choix de ce nom de groupe. «C'est absurde qu'il m'ait fallu autant de temps avant d'y aller!»