Doyle Bramhall II vient à peine de boucler la tournée Wheels of Soul avec ses amis du Tedeschi Trucks Band qu'il s'amène au Club Soda pour y jouer ses propres chansons, ce dont il avait presque perdu l'habitude. Conversation avec un guitariste qui a frayé avec les plus grands.

C'est en jouant sur l'album Hope and Desire de Susan Tedeschi, paru en 2005, que Doyle Bramhall II a fait la connaissance de son mari guitariste Derek Trucks. Ç'a paru tellement cliquer entre les deux que Bramhall a recommandé son nouvel ami à l'un des dieux du rock: Eric Clapton.

«Quand Eric a formé un groupe pour jouer le répertoire de Derek and the Dominos, je lui ai suggéré d'embaucher Derek Trucks et il s'est joint à nous dans le supergroupe d'Eric Clapton», raconte le chanteur et guitariste né au Texas il y a 46 ans.

Bramhall n'exagère pas. La bande de Clapton qui s'est arrêtée à Ottawa en septembre 2006 était extraordinaire. Sa version de Layla était de loin la meilleure jamais entendue depuis que Duane Allman l'a interprétée en studio avec Clapton au début des années 70. Bramhall et Trucks s'éclataient sans retenue tant et si bien que, par moments, Clapton s'effaçait derrière eux. «La marque d'un musicien au sommet de son art qui ne craint pas la compétition mais s'en nourrit», avions-nous écrit au lendemain de ce concert mémorable.

Bramhall, qui était également du spectacle très blues de Clapton au Centre Bell en mai 2008 et qui a longtemps accompagné Slowhand sur scène en plus de coréaliser certains de ses albums, confirme: «Eric était comme ça. Je ne sais pas si ses fans étaient très heureux de la chose, mais il me demandait parfois de jouer de plus longs solos qui étaient sa marque de commerce. Je lui disais que les gens n'étaient probablement pas venus pour m'entendre jouer, mais il répondait: «Oui, mais moi, je veux t'entendre jouer. Je ne veux pas m'entendre, moi.» »

Doyle Bramhall II a côtoyé des pointures tout au long de sa carrière. À 18 ans, il a été repêché par Jimmie Vaughan dans les Fabulous Thunderbirds. Quelques années plus tard, en 1992, il a formé le groupe Arc Angels avec le guitariste et chanteur Charlie Sexton et la section rythmique du regretté Stevie Ray Vaughan, un autre proche.

Peu après, juste avant Clapton, c'est nul autre que Roger Waters qui l'a embauché.

«Ce fut une expérience extraordinaire, se souvient Bramhall. Ça m'a vraiment fait découvrir un aspect des choses que je ne connaissais pas. Roger est un architecte capable de superposer plusieurs couches de musique doublé d'un artiste très fort sur les plans visuel et conceptuel. J'ai tellement appris de lui. Puis, quand Eric m'a demandé d'être son bras droit et de partir en tournée avec lui, j'ai été très honoré. Je venais tout juste d'avoir des enfants et c'était vraiment bien de partir pendant quatre ou cinq mois et de pouvoir rester à la maison le reste de l'année.»

C'est grâce à Clapton que Bramhall s'est retrouvé en studio avec B.B. King pour enregistrer l'album Riding with the King avec les deux hommes. Par la suite, le roi du blues l'a invité à jouer sur son album de standards Reflections.

«J'ai été très chanceux, dit Bramhall. B.B. King l'est un des musiciens qui m'ont le plus marqué quand j'étais jeune, comme il en a marqué des millions d'autres, j'en suis convaincu.»

La carrière solo

Doyle Bramhall revient ces jours-ci à la carrière solo qu'il a longtemps négligée à force de travailler pour d'autres artistes dont Elton John, Sheryl Crow, Erykah Badu et même Johnny Hallyday à titre de guitariste, musicien, auteur-compositeur ou réalisateur. Son dernier album, Welcome, est sorti en 2001 et depuis il a écrit et enregistré des centaines de chansons qu'il n'a jamais fait paraître.

«J'étais vraiment frustré de ne plus trouver ma place dans l'industrie de la musique et je ne pensais pas que beaucoup de gens s'intéressaient à ma musique, explique-t-il. Puis, quand j'ai finalement cessé de jouer avec Eric, il y a à peine un an et demi, j'ai voulu me concentrer sur ma propre carrière. Pour la première fois de ma vie, je suis heureux de me produire devant mon public.»

Il ne regrette surtout pas de s'être mis au service d'autres artistes pendant tant d'années: «Quand j'ai recommencé à donner mes spectacles, je me suis rendu compte que mon public était pas mal plus nombreux. Dont beaucoup de fans purs et durs d'Eric Clapton et de Roger Waters.»

Récemment, il a enregistré 14 nouvelles chansons dont 5 ou 6 devraient paraître sur un mini-album prochainement. Il en jouera probablement quelques-unes ainsi que des extraits de ses trois albums précédents au Club Soda. «J'interprète également quelques chansons de Jimi Hendrix que j'ai toujours beaucoup aimées», dit ce gaucher qui joue d'une guitare aux cordes inversées.

S'il est devenu chanteur, explique-t-il, c'est parce qu'il ne trouvait personne pour chanter les standards du blues qu'il chérissait quand il était adolescent: «Au milieu des années 80, les jeunes de mon âge écoutaient Duran Duran, Mötley Crüe ou The Cure, donc j'ai dû commencer à chanter. Puis je me suis rendu compte que je pouvais également écrire des chansons.»

Bramhall s'intéresse aussi aux musiques du monde, lui qui a joué aussi bien à la Grande Muraille de Chine qu'à Bombay et en Afrique du Nord.

«J'aime m'imprégner de cultures différentes, dit-il. J'ai abandonné l'école à 15 ans et peu après j'ai eu la piqûre des voyages. C'est la musique qui me permet de voyager.»

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Au Club Soda, le 12 août