«C'est le projet le plus ambitieux de ma carrière...» Le pianiste John Roney «réinventera» le fameux Köln Concert de Keith Jarrett, le samedi 25 juillet dans la série Jazz et musique du monde du Festival Orford 2015. L'album double enregistré à l'Opéra de Cologne le soir du 24 janvier 1975 (ECM-2-1064) s'est vendu à 3,5 millions d'exemplaires, ce qui en fait le concert de piano solo le plus populaire de l'histoire du disque. Défi...

«Pour les musiciens, il s'agit d'une icône», nous dira John Roney, rencontré peu avant son départ pour Orford où la montagne l'aidera à se concentrer avant le grand soir. Mais comment reprend-on un concert improvisé? «Du point de vue artistique, je ne voyais pas l'utilité de rejouer intégralement le concert, comme l'a déjà fait un pianiste polonais (Tomasz Trzcinski, Blue Mountains, 2006).

«Bien sûr, je vais reprendre les mélodies et les thèmes du concert mais je vais faire mes propres impros sur les nombreux ostinatos, une caractéristique du jeu de Keith Jarrett. Certaines de ces formules répétitives sont d'une grande complexité et j'ai parfois dû essayer trois ou quatre doigtés avant de trouver le bon...»

Comme c'est souvent le cas avec Jarrett (qui avait 29 ans au moment du concert), la légende a pris sa place dans l'Histoire... On raconte entre autres que le piano de concert qu'il devait utiliser n'était pas arrivé à temps à l'Oper Köln et que le jazzman avait dû jouer sur un piano maison dont il n'aimait pas la sonorité dans les extrêmes. Ce qui l'aurait poussé à se concentrer sur les touches du milieu... John Roney n'a rien vu de ça en faisant sa transcription... après avoir réfléchi pendant une semaine  avant d'accepter l'offre de Jean-François Rivest, le directeur artistique d'Orford qui, sans le savoir, l'a appelé le 24 janvier, le jour même du 40e anniversaire du concert.

John Roney dit avoir «regardé»  la musique dont Keith Jarrett a finalement approuvé la publication en 1990 mais il a opté pour sa propre transcription car, dit-il, «je me souviens toujours mieux de ce que je transcris moi-même. Je connais maintenant chaque seconde de ce concert...»

Le «Concert de Cologne» - Jarrett a aussi enregistré le Concert de Paris, de Bremen, de Lausanne... - dure 68 minutes, la dernière des quatre parties (II-c), le rappel en fait, étant constituée d'une réinterprétation de Memories of tomorrow, une de ses propres pièces.

«Un vaisseau de musique»

Avant d'enregistrer ce disque-culte, nous rappelle pour sa part le producteur Ruben Fogel, Keith Jarrett avait joué quelquefois à Montréal, au club In Concert, dans le Vieux. «Comme le club devenait petit pour lui, on m'a offert de travailler avec lui et le premier concert «booké» par Ruben Fogel a été Keith Jarrett en quatuor à la salle Claude-Champagne, le 25 novembre 1975.»

Le premier grand concert solo de Jarrett à Montréal a été présenté par Alain Simard et André Ménard, à la salle Wilfrid-Pelletier le 29 août 1979, un an avant la fondation du Festival de jazz où le pianiste s'est produit maintes fois, dont deux fois en solo (1990 et 2014).

«Keith Jarrett est un vaisseau de musique», dira encore John Roney qui donnera une présentation Power Point sur le «Köln Concert» à 17 h samedi prochain.  Il est venu en contact avec l'oeuvre quand il était au high school à Mississauga. «La première fois, je n'ai pas été vraiment impressionné mais bien des années plus tard, à McGill, j'ai réécouté le concert avec Steve Amirault et là, j'ai commencé à comprendre...

«Chaque fois que je l'ai réécouté depuis, j'ai saisi un élément nouveau. C'est le genre de disque que tu découvres pendant toute ta vie. Reste que, au vu de certains éléments de background et du fait qu'il était alors en tournée solo, il y a une question que je poserais à Keith Jarrett: jusqu'à quel point était-ce un concert improvisé?»

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The Köln Concert de Keith Jarrett, interprété par John Roney, samedi 25 juillet 20 h à la salle Gilles-Lefebvre du Centre d'arts Orford; pour info: arts-orford.org