Le divorce du chanteur et parolier Ben Gibbard. Le départ du guitariste et réalisateur Chris Walla. Sans compter un premier recours à un réalisateur externe. Pour son huitième album, Kintsugi, le groupe Death Cab for Cutie - qui donnait un spectacle vendredi soir au Métropolis - a dû relever plusieurs défis. Entrevue avec le batteur Jason McGerr.

Le jour de notre entretien téléphonique, Death Cab for Cutie se trouve à Nashville, où il s'apprête à se produire au mythique Ryman Auditorium. «C'est un lieu tellement légendaire. Tu y ressens un sentiment à mi-chemin entre la timidité et la gratitude.»

DCFC vient d'entamer la tournée de son nouvel album Kintsugi, et est passé par le Métropolis vendredi soir (à guichets fermés). «J'adore présenter du nouveau matériel en spectacle, lance Jason McGerr. À la fin du cycle d'un album, tu deviens un peu las de jouer la même chose. C'est comme avoir un nouveau jouet.»

Surtout cette fois-ci, précise-t-il. «Ce n'est un secret pour personne que le départ de Chris Walla va changer la donne. Deux nouveaux musiciens le remplacent. Le fait de passer de quatre à cinq musiciens va amplifier notre jeu. Nous n'avons plus à prendre la décision difficile à savoir si Chris doit jouer du piano ou de la guitare acoustique.»

En octobre dernier, alors que DCFC peaufinait son huitième album, Chris Walla a annoncé son départ à Ben Gibbard, Jason McGerr et Nick Harmer. Le pilier, guitariste et réalisateur du quatuor allait terminer le boulot entamé en studio, mais il n'allait pas prendre part à la tournée de Kintsugi.

Walla jouait un rôle créatif important au sein de Death Cab for Cutie, groupe phare de la scène de Portland et Seattle qui a fait les beaux jours du label Barsuk avant de se joindre à la major Warner.

Le divorce de Ben Gibbard

De son côté, le chanteur et parolier Ben Gibbard - aussi connu pour son projet presque mythique d'un seul album, Postal Service - a dû se remettre de son divorce avec l'actrice Zooey Deschanel.

C'est sans regret qu'il a quitté sa vie de couple médiatique de Los Angeles pour retourner à Seattle. «Was I in your way when the cameras turned to face you?», chante-t-il sur la pièce No Room in Frame. (Traduction: «Est-ce que je te bloquais la vue quand les caméras étaient sur toi?»)

Beaucoup de gens font des liens entre les textes de DCFC et la vie personnelle de Ben Gibbard. «Il y a à la fois des faits et de la fiction, précise Jason McGerr. Mais je crois que ses paroles sont très universelles et peuvent se rapporter à plusieurs situations. Tout est très honnête.»

L'album a bénéficié d'une longue période de gestation. «Il y a un mood... et je sens une transition et un changement de période, s'enthousiasme son batteur. Ben a eu beaucoup de temps pour écrire et il avait beaucoup de choses à dire.»

Malgré leur expérience, les vétérans de DCFC n'étaient pas en mode «pantoufles» pendant la création de Kintsugi. Il y avait, au contraire, plusieurs défis à relever. «On savait que Chris n'allait pas tourner avec nous et que ce serait son dernier album. Nous voulions le meilleur album qui soit, mais Chris n'allait pas être le réalisateur... C'était un casse-tête avec beaucoup de pièces à assembler, mais le résultat s'avère beau dans sa complexité.»

Pour la première fois, DCFC a fait appel à un réalisateur externe, Rich Costey, associé à des groupes à succès dont Muse, Franz Ferdinand, Foo Fighters et Of Monsters and Men.

«Son studio s'appelle Eldorado et se trouve à Burbank, en Californie. Nous étions à sa merci. Il était le patron, raconte Jason McGerr. Nous avons fait plusieurs versions des pièces: Rich voulait explorer toutes les avenues possibles d'une pièce pour arriver là où il le fallait. Il nous a poussés. C'était parfois frustrant, car nous avions l'habitude de travailler plus vite. Mais en fin de compte, je suis super content.»

Le succès sans la célébrité

«Nous sommes un groupe à succès, mais nous ne sommes pas un groupe célèbre», a déclaré récemment Ben Gibbard.

Formé à la fin des années 90, Death Cab for Cutie fait partie de ces groupes qui ont fait lever le vent indie rock et qui poursuivent leur carrière avec succès et crédibilité. «Les billets de spectacles se vendent mieux que jamais, indique Jason McGerr, qui a franchi la quarantaine. Au début de chaque tournée, je me pince.»

Le batteur embrasse les nouvelles règles de l'industrie musicale. «Il y a dix ans, ou même cinq ans, je ne crois pas qu'un groupe comme Arcade Fire aurait pu gagner le Grammy de l'album de l'année, compte tenu de la structure de l'industrie, détaille-t-il. En ce moment, j'écoute un album de Kendrick Lamar, tout comme j'aime la pop de Tegan and Sara, le jazz, l'électro et des albums indie super DIY. Même la musique électronique est plus humaine et organique grâce à des artistes comme FKA Twigs et Flying Lotus.»

Plus de 25 ans après l'éclosion du grunge, Jason McGerr se réjouit également que la communauté musicale de Seattle demeure tissée serré.

« Seattle est une ville de groupes. Les gens se réunissent entre amis pour faire la meilleure musique possible. Il y a un sentiment de communauté.»