Même s'il reprenait essentiellement les chansons des autres, le groupe anglais The Animals s'est si bien imposé que son chanteur Eric Burdon a encore du mal à s'en affranchir 50 ans plus tard. Conversation avec un survivant des années 60.

«Je ne peux pas m'en débarrasser», répond Eric Burdon quand on lui demande pourquoi il nomme encore The Animals le groupe qui l'accompagnera à l'Olympia ce soir. «Les Animals d'origine ne sont restés ensemble que pendant deux ans, rappelle-t-il. Quand on s'est séparés, en 1965 ou 1966, j'ai voulu monter un groupe avec un nouveau nom, mais la compagnie de disques MGM a menacé de résilier mon contrat. Si je leur avais tenu tête et que j'avais nommé mon groupe Frontiers of the New Galaxy ou quelque chose du genre, je n'aurais pas pu enregistrer d'autres disques. Depuis, je suis coincé. C'est ridicule.»

Ces dernières années, Burdon a dû se battre en cour contre un ancien collègue et même de parfaits inconnus qui voulaient s'approprier l'appellation The Animals au Royaume-Uni. Ce qu'il a fait parce qu'il reconnaît volontiers que le nom de son vieux groupe attire à ses concerts des nostalgiques de l'invasion britannique des années 60.

Mais Eric Burdon a eu d'autres chats à fouetter ces dernières années, lui qui, comme Pete Townshend et Phil Collins, souffre de problèmes auditifs. Son rapport à la scène s'en est trouvé altéré jusqu'à ce que des spécialistes rencontrés en Grèce trouvent la solution à son problème. «Je n'ai jamais eu une mauvaise soirée depuis que je travaille avec eux.» 

«Aujourd'hui, les ingénieurs sont devenus aussi importants sinon plus que les musiciens. Grâce à ce qu'ils m'ont mis dans les oreilles, je peux tout entendre très clairement.»

Burdon en est encore plus convaincu depuis que Bruce Springsteen a fait son éloge dans une allocution au festival South by Southwest de 2012 et qu'il l'a invité à chanter avec lui le soir même. Il est monté sur scène trois ou quatre fois avec le Boss et son E Street Band par la suite.

«Ça m'a vraiment ouvert les yeux sur l'importance de la technologie dans son spectacle, dit-il. Des problèmes comme le mien, il a toute une équipe technique qui s'en occupe sous la scène et que le public ne voit pas. Et puis c'est toute une sensation de se produire devant un public aussi nombreux avec ce groupe de musiciens fantastiques qui jouent avec lui depuis des années.»

Une demande de Bo Diddley

Dans les années 60, cet enfant d'une famille ouvrière de Newcastle était considéré avec son compatriote Steve Winwood comme le plus noir des chanteurs blancs britanniques. Avec les Animals, c'était tout naturel pour Burdon de chanter Boom Boom de John Lee Hooker. Il faisait déjà un coup de chapeau à Bo Diddley, cet autre pionnier auquel il rend encore un double hommage dans son plus récent album, Til Your River Runs Dry, en reprenant son classique Before You Accuse Me et en lui consacrant une chanson de son cru, Bo Diddley Special.

«Je ne l'ai jamais rencontré en personne même si nous nous sommes croisés à quelques reprises, raconte Burdon. La dernière fois, en Australie, il était très malade et il n'avait plus la même étincelle, mais je me suis rendu compte à quel point je l'aimais. Ce jour-là, j'ai envoyé mon directeur de tournée dans sa loge pour le saluer de ma part. Il lui a répondu: "Tu diras à ce petit Anglais d'enregistrer plus de chansons de Bo Diddley." Il a dû parler de moi à sa famille par la suite parce que j'ai eu la surprise d'être invité à ses funérailles. Donc quand je suis entré en studio, j'ai enregistré cette chanson que j'avais écrite, Bo Diddley Special, et j'ai exaucé son voeu en reprenant Before You Accuse Me

À l'Olympia, Burdon va chanter des chansons de son cru et d'autres qu'il s'est appropriées du temps des Animals, de House of The Rising Sun à It's My Life en passant par Don't Let Me Be Misunderstood.

«Je suis très vieille école: si j'entends une chanson que j'aime et à laquelle je peux m'identifier, peu importe qui l'a écrite, je la chante, explique-t-il. Ce sont seulement les critiques et les fans purs et durs qui s'intéressent à qui a écrit quoi. Il y a quelques années, j'ai rencontré Horace Ott, l'auteur de Don't Let Me Be Misunderstood. Il m'a dit: "J'ai écrit cette chanson pour ma femme et on l'a donnée à Nina Simone qui l'a enregistrée, mais c'est toujours ta version qui est la référence." C'est super d'entendre ça de la bouche du gars qui a écrit la chanson même si je trouve que je la chante bien mieux aujourd'hui qu'avec The Animals.»

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À l'Olympia ce soir.