Tout vient à point à qui sait attendre. Parlez-en au groupe Heart, qui sera finalement élu au Temple de la renommée du rock. À deux jours de leur passage à Montréal, Nancy Wilson cause sexisme, reconnaissance et années 80.

Le 18 avril prochain sera une journée spéciale pour Ann et Nancy Wilson. Les deux soeurs du groupe Heart seront en effet intronisées au Temple de la renommée du rock, près de 40 ans après la sortie de leur premier album.

«Ça va calmer nos fans qui attendaient ça depuis des années. Il était temps, ils commençaient à être vraiment en colère!» lance la guitariste Nancy Wilson, depuis London en Ontario, où le groupe donnait un concert mercredi.

Avec 35 millions d'albums vendus et plusieurs classiques (Barracuda, Crazy On You, Magic Man), Heart n'a pas volé cet honneur. Même si le groupe a connu des passages à vide et commis d'impardonnables fautes de goût (Ah! les années 80), sa constance et son dévouement au dieu du rock n'ont jamais fait de doute. Et aujourd'hui, tous ces efforts semblent enfin porter leurs fruits. «Nous avons travaillé vraiment fort, ajoute Nancy Wilson. Et fait beaucoup de sacrifices, notamment au niveau de la famille. Cette reconnaissance est bonne pour Heart, mais aussi pour nos enfants qui auront un bon souvenir à garder de nous. Ils verront qu'on n'a pas si mal fait!»

Le moins que l'on puisse dire, c'est que cet honneur vient couronner une année particulièrement riche. En 2012, les soeurs Wilson ont lancé un coffret de vieux inédits (Strange Euphoria), lancé un 14e album de hard rock convaincant (Fanatic), reçu leur étoile sur le Hollywood Walk of Fame et interprété Stairway to Heaven à la remise de prix du Kennedy Center, devant le président Obama et les trois membres de Led Zeppelin, visiblement émus. Comme si ce n'était pas assez, elles ont aussi publié leur biographie (Kicking & Dreamin: A Story of Heart, Soul and Rock and Roll), un livre qui a fait la colonne des meilleurs vendeurs du New York Times.

«C'est intéressant de voir comment tout converge en même temps, ajoute Nancy. Je pense que les gens réalisent que nous sommes toujours là après nous avoir peut-être un peu tenues pour acquises. C'est peut-être ce qui a allumé le Temple de la renommée: constater qu'on était bien en vie, et qu'on ne se contentait pas de réemballer nos vieux succès.»

«Plus sexiste que jamais»

Sans dire que Heart vit un renouveau, il est clair que le groupe est dans une bonne passe. Ça n'a pas toujours été le cas. Dans les années 90, les soeurs Wilson avaient un peu disparu de la carte. «C'était la lutte pour la survie», résume Nancy Wilson, «une grosse période de remise en question».

Mais rien ne fut aussi pénible que les années 80, dit-elle, une période pourtant rentable pour le groupe. «Autant on a fait de l'argent, autant on ne nous prenait plus au sérieux. C'était l'époque de MTV, une période horrible pour les femmes. Avec la dictature de l'image, le rock est devenu plus sexiste que jamais.» Rappelons qu'à l'époque, la compagnie de disques avait poussé la chanteuse Ann Wilson à s'effacer dans les clips parce qu'on la jugeait trop enveloppée, une exigence que les deux soeurs ont publiquement dénoncée par la suite.

Deux décennies plus tard, Ann Wilson est toujours enveloppée. Mais plus personne ne dira à Heart quoi faire. Après avoir survécu au sexisme, à la dope, aux doutes, aux ruptures amoureuses, aux coups bas des compagnies de disques, aux mauvais albums, aux culottes en spandex et aux cheveux crêpés, Ann et Nancy Wilson, respectivement âgées de 62 et 59 ans, font désormais partie des intouchables. Autant dire qu'il n'est pas question de retraite pour le moment.

«C'est présentement la meilleure période pour être dans ce groupe, conclut Nancy. C'est notre pinacle. Bien sûr, il y a des jours où je me demande pourquoi je fais encore ce métier. Mais il y a des jours où vraiment, je me dis tout le contraire...»

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Au Centre Bell lundi. Première partie: Simon Townshend à 19h30.