«On s'appelle Coeur de pirate», a dit hier soir sur le ton de l'évidence Béatrice Martin avant de se lancer avec ses quatre musiciens dans l'ultra pop Undone, chanson tirée de son tout récent album bilingue Roses.

Le public qui emplissait le Métropolis pour la première mondiale de cette nouvelle tournée avait sans doute l'habitude de ce genre de présentation à la fois gauche et charmante de la jeune chanteuse, souvent ponctuée d'un éclat de rire nerveux. Comme si, malgré la qualité indéniable de ses chansons et son talent de plus en plus manifeste d'interprète, il y avait en elle comme un petit doute sur ce qu'elle faisait là sur une scène.

Bonne nouvelle, le spectacle qu'elle a donné hier soir est de plus en plus assumé et Béatrice Martin a fait un bond en avant sur tous les plans. Au début du spectacle, les chansons de son nouvel album étaient plus fortes, plus incarnées que des choses pourtant plus intégrées comme Verseau ou Pour un infidèle. Je pense en particulier à la très belle Oceans Brawl, qui a lancé la soirée, et à Our Love, qui a déjà gagné en impact par rapport au disque. 

Il y a aussi que la jeune femme est nettement plus à l'aise sur scène. Elle en a remercié Nico Archambault et Wynn Holmes, qui, a-t-elle dit au rappel, l'ont transformée, elle qui ne savait pas danser. Cette métamorphose est bienvenue même s'il lui arrive, notamment pendant Drapeau blanc, d'en mettre un peu trop et de tomber dans le piège de ce qu'on appelait jadis avec un brin de sarcasme l'expression corporelle. 

L'ajout de projections impressionnistes de bon goût dans lesquelles baignent par moments les chansons et les musiciens contribue à faire de ce spectacle le plus léché et le plus complet de Coeur de pirate. 

Mais au coeur de cette proposition, il y a surtout, encore et toujours, une jeune artiste qui ne cesse de prendre du galon. Une chanteuse plus en voix que jamais quand elle emprunte Dead Flowers aux Stones ou Slow Show à The National. Et une auteure et compositrice qui connaît la recette d'une pop accrocheuse que n'hésite pas à reprendre la chorale des spectatrices, mais dont certaines chansons, comme C'était salement romantique et Place de la République, transcendent les modes.

Il y a encore des choses à mettre en place dans ce spectacle tout neuf, mais le plus beau reste à venir. On pourra le vérifier le 23 mars 2016, quand Coeur de pirate sera de retour au Métropolis. Avis aux artistes qui aspireraient à faire sa première partie: il vaudrait peut-être mieux rester chez vous si, comme il l'a fait hier pendant les chansons douces de Félix Dyotte, le public de Coeur de pirate bavarde tellement fort que c'en est gênant.