Un adolescent heureux. Après deux heures à se donner sans compter, les yeux de Damon Albarn illuminaient tout le Casino de Paris. Main dans la main avec le public, il a offert hier soir un spectacle d'une générosité et d'une chaleur quasi déconcertantes.

L'occasion était rare pour le mélomane montréalais. Un spectacle somme toute intime de Damon Albarn - génie pop de son époque - dans la foulée du premier album paru sous son nom, au printemps dernier, et ce, dans le cadre d'une tournée qui ne s'arrêtera pas à Montréal de sitôt.

L'un des pères de la britpop au sein de Blur et cofondateur de Gorillaz tenait hier le haut de l'affiche du 27e festival les inRocKs Philips, qui bat son plein à Paris.

Damon Albarn se produisait dans l'intimité du Casino de Paris, et il en a bien profité. Bains de foule, poignées de main, regard séducteur... Guitare en bandoulière, jeans lui couvrant à peine le caleçon, Albarn parcourait son terrain de jeu avec gourmandise tout en usant de son charme nonchalant et de sa voix mélancolique pop au flegme tout britannique.

Avec ses musiciens et ses choristes au sourire et à l'interprétation contagieux, Albarn a clos la soirée avec ses hymnes rassembleurs Mr. Tembo et Heavy Seas Of Love.

Il a eu droit à une marée d'amour pendant le bon vieux salut final... Albarn semblait aussi ravi que la foule, comblé par ses dernières heures sur scène, lui qui en a passé des milliers d'autres. Qu'y avait-il donc dans l'air, hier?

Le musicien britannique a puisé dans son récent album, mais aussi dans ses autres projets. Un titre de The Good, the Bad & the Queen (Kingdom of Doom), et plusieurs chansons de Gorillaz (Spitting Out The Demons, Kids With Guns), dont le tube Clint Eastwood, chantée avec le rappeur Oxmo Puccino. Cerise sur le gâteau: All Your Life de Blur, sur laquelle Albarn s'est époumoné dans une finale tonitruante avant le rappel.

Albarn et ses musiciens formaient un esprit de tribu. La bande a rocké aux côtés de la tête d'affiche de la soirée, mais lui a aussi permis de mettre au jour ses remous intérieurs dans une formule épurée, au piano, notamment sur les sublimes ballades Everyday Robots et Lonely Press Play, ou à la guitare, avec Hostiles.

Albarn est en lice pour le Mercury Prize. Ses différents projets alimentent les rumeurs. Blur finira-t-il son nouvel album commencé en 2013? Gorillaz dévoilera-t-il du nouveau matériel en 2016? Une chose est sûre: l'écriture du prochain chapitre musical de The Good, the Bad & the Queen, le «supergroupe» qu'il forme avec Paul Simonon de The Clash, Simon Tong de The Verve et le batteur Tony Allen, est terminée.

La preuve que de nombreuses pages sont écrites par Damon Albarn dans le grand livre de l'histoire du rock et que c'était un privilège de le voir dans un cadre si intime, hier soir. D'autant qu'Albarn était ravi d'être sur scène, avec un regard adolescent et même amoureux. «Je vous aime, Paris.»

Lykke Li la veille

Mardi soir, Lykke Li avait réchauffé le Casino de Paris. Après notre rendez-vous manqué à Osheaga, force est de constater qu'il vaut nettement mieux la voir en salle. Sur scène, la chanteuse suédoise vibre avec intensité. Elle ne tend pas la main au public, mais elle le laisse pénétrer dans son univers tourmenté.

Il y a eu de grands moments pendant son spectacle. De grands frissons ont parcouru la salle pendant les power ballades I Never Learn et Never Gonna Love Again. En symbiose, l'artiste aux allures de belle sorcière et ses musiciens formaient un puissant mur de son. Si Lykke Li a fait plaisir à la foule avec une reprise de Hold On, We're Going Home de Drake et son tube Little Bit, cela s'est gâté au rappel... Alors qu'elle venait d'affirmer qu'elle donnait le meilleur spectacle de sa tournée dans laquelle elle se sent «comme de la merde», elle a interrompu sa ballade minimaliste Love Me Like I'm Not Made Of Stone. Prétexte: le son d'une guitare lui déplaisait. «Vous savez que je suis honnête», avait dit la chanteuse plus tôt dans le spectacle.

Parfois trop, ce qu'on pardonne tout de même à Lykke Li, vu la puissance de sa plume.

Sinon, le festival les inRocks Philips se poursuit jusqu'au 18 novembre. The Jesus and Mary Chain jouera intégralement son album Psychocandy. Parquet Courts, Palma Violets, The Orwells et Benjamin Booker figurent également parmi les têtes d'affiche du festival. Soulignons que Moodoïd précédait Damon Albarn, hier soir.