Le Théâtre Prospero ouvre la saison d'automne en accueillant une jeune compagnie formée d'acteurs fraîchement diplômés du Conservatoire de Québec en 2010. Ces derniers présentent une création collective sur le thème de la maladie mentale qui a pour titre Et autres effets secondaires. Un spectacle tonique qui nous fait pénétrer dans l'esprit trouble de Benoît, un jeune sans-abri aux prises avec des épisodes de délire psychotique. Un de ces marginaux qui semble destiné à une éternelle errance dans le labyrinthe mystérieux de sa raison.

«La Raison, c'est la folie du plus fort. La raison du moins fort, c'est de la folie», a écrit avec justesse Ionesco. L'intérêt de la pièce, c'est qu'elle expose les deux côtés de la réalité. La «normalité» est formée ici par les parents, camarades de classe, médecins et autres professionnels du milieu de la santé. Le second côté, celui de la déraison, met en scène les amis imaginaires de Benoît, ainsi que ses visions qui, grâce à la magie du théâtre, deviennent aussi vraies que les personnages du réel.

Le texte s'éparpille un peu avec des histoires d'amour (le flirt du père, excellent Marc Auger Gosselin, pour expliquer l'érotomanie de son fils?!); ou encore des justifications psychologiques (un psychotique qui se noie dans la culpabilité pour une faute qu'il n'a jamais commise). Par contre, le propos est cohérent et les auteurs évitent de juger l'un ou l'autre de leurs personnages. De plus, on parvient à nous montrer avec sensibilité les prémisses de la maladie. Dès son enfance, Benoît laisse voir des signes et des indices de sa fragilité. Peu à peu, il se marginalise, au fur et à mesure qu'on le rejette de la société.

D'ailleurs, Benoît est dédoublé, et la personne évolue en parallèle dans différentes périodes de sa vie: à la maison, à l'école, en thérapie, en internement et, finalement, durant son errance dans les rues de Québec. Matthew Fournier joue le Benoît du passé et Jean-Pierre Cloutier incarne Benoît adulte et sans-abri. Tous les deux le font avec beaucoup de sensibilité et de vérité. Le visage émacié de Pierre Cloutier semble transpercé par la vulnérabilité du personnage.

La mise en scène épouse parfaitement le côté labyrinthique du sujet. Dans un espace central et dépouillé, les 10 interprètes manipulent constamment tables et chaises pour changer de temps et de lieux. Marie-Josée Bastien a habilement dirigé cette troupe qui mène l'action avec rigueur et aplomb. Durant 1 h 45, le spectateur est constamment sollicité dans le dédale de cette belle folie. Car cette création a le mérite d'être à la fois théâtralement réussie et socialement utile.

Jusqu'au 29 septembre au Théâtre Prospero.