Ozzy! Ozzy! Ozzy! On connait la rengaine: la sympathique légende du métal débarque, et on est tous prêt à retomber à l'adolescence - pour ceux qui n'y étaient pas déjà, une minorité dans ce Centre Bell de plus de 9000 fans de longue date. Pendant près de deux heures, le Prince des Ténèbres a épaté par sa performance, l'une des meilleures que nous l'ayons vu donner.

Que ça nous serve de leçon: la modération, voire l'abstinence, a du bon. On se souvient des dernières visites d'Ozzy Osbourne, involontairement drôles. Ozzy trop embrouillé pour être cohérent, pendant et entre les chansons, limité à ses trucs de vieux singes, les sauts de grenouilles et les sceaux d'eau qu'il se verse sur la tête, trottinant sur la scène avec l'air du gars qui cherche ses clés de voiture depuis une heure.

Or, dès Bark at the Moon, c'est un tout nouveau Ozzy, sobre et lucide, qui s'est imposé au microphone. Non seulement avait-il réappris à articuler, mais il le faisait en suivant le rythme! Osbourne avait l'air de renaître, hier soir au Centre Bell. C'était beau à voir, son sourire fendu jusqu'aux oreilles avec le canon à mousse lui servant à rincer les premières rangées, surtout si on espère une vraisemblable tournée prochaine de Black Sabbath.

En contrepartie, son orchestre manquait de lustre. Qu'on s'ennuyait hier soir du jeu et de la présence scénique de Zakk Wylde! Le nouveau Gus G. ne manque certes pas de talent, mais, avec sa belle guitare ESP personnalisée (en forme étoilée) accrochée au cou et ses cheveux dans le vent du ventilateur à ses pieds, il n'avait ni la virilité, ni la puissance de l'ex-guitariste.



Wylde avait du tigre dans le moteur, un son qui mord et qui assoit chacune des chansons, et cette manie d'extirper les petits cris de guitares (une signature guitaristique du son Ozzy initiée par Randy Rhodes) à faire dresser les cheveux sur la tête. À l'époque, Wylde compensait pour l'apathie de son vieux patron; aujourd'hui, et c'est peut-être voulu, tous les yeux sont rivés sur le réénergisé Ozzy.

Le concert a débuté avec le montage vidéo parodique qui ouvre immanquablement chaque nouvelle tournée d'Osbourne, qu'on voyait ici se moquer de Jersey Shore, Lady Gaga (il incarnait Beyoncé dans le clip Telephone...) ou encore Twilight. Des effets pyrotechniques ont accueilli le Prince pour la première chanson, tout de suite suivie de la seule nouvelle de la soirée, Let Me Hear You Scream, vite balancée comme pour l'enlever du chemin des classiques à suivre.

Et classiques il y eut. Mr. Crowley, avec son intro d'orgue d'église et des dizaines de briquets allumés (truc: on peut calculer aujourd'hui l'âge moyen d'une foule au ratio briquets/écrans de téléphones portables pendant un moment d'émotion), puis I Don't Know, toutes deux tirées de l'immense Blizzard of Oz (1980), premier album solo du sinistre Ozzy.

Plus de doutes possibles, Ozzy a envie de redevenir le leader de Black Sabbath. Il a ensuite interprété Fairies Wear Boots de son ancien groupe, l'une des sept reprises qu'il nous a joyeusement offertes et généralement les meilleures chansons de la soirée. En plus des War Pigs et Paranoid qu'il fait à chaque tournée, l'orchestre a joué Rat Salad (en point d'orgue aux interminables solos...), Iron Man, N.I.B. et Into the Void, de rares occurrences concernant ces dernières, de même que pour la rare ballade Killer of Giants (tirée de The Ultimate Sin, 1986).

Bon concert en somme, surtout une performance individuelle du chanteur qui donne à rêver à la réunification de Sabbath, mais celle d'un groupe qui ne fait pas le poids à côté de celui des deux ou trois dernières tournées. Quand, pendant des chansons comme I Don't Know, Fire in the Sky ou Shot in the Dark, on entend plus le synthétiseur (joué par le fils de Rick Wakeman, Adam!) que la guitare électrique, c'est qu'on n'a pas les priorités aux bonnes places...