Il suffit d’allumer la radio pour réaliser que le reggaeton, le trap latino et d’autres dérivés d’influences latines sont au cœur de la musique populaire. Alors que le festival Fuego Fuego bat son plein, l’intérêt pour les artistes chantant en espagnol se manifeste aussi en salle : dans les prochaines semaines, Feid, Peso Pluma et Aventura fouleront tous la scène du plus grand amphithéâtre de Montréal, le Centre Bell, alors que Pitbull se produira au parc Jean-Drapeau. On vous donne quelques clés pour comprendre l’essor de la musique latine.

Le tournant Despacito

Plusieurs artistes aux influences latines ont ouvert la voie aux Maluma, J Balvin ou Rosalía, les vedettes de l’heure. On se souvient de la popularité mondiale qu’ont connue Ricky Martin, Jennifer Lopez et Shakira au tournant du millénaire. Et vers 2005, « on a eu Daddy Yankee et un courant “pop urbano”, qui ont mis la table [au succès] de Despacito », rappelle Ons Barnat, professeur au département de musique de l’Université du Québec à Montréal. Sortie en 2017, la chanson des Portoricains Luis Fonsi et Daddy Yankee, à laquelle Justin Bieber a ensuite prêté sa voix, est devenue la première chanson en langue espagnole depuis la Macarena à se hisser au sommet du classement Billboard. « Avec Despacito, les dernières barrières sont tombées et on s’est mis à écouter cette musique partout », affirme Audray Johnson, responsable de la programmation chez evenko pour le festival Fuego Fuego. Puis est arrivé le Portoricain Bad Bunny, dont l’album Un verano sin ti (son quatrième) a été le premier opus complètement chanté en espagnol à se hisser au sommet du top 200 du Billboard américain, en 2022. « Si on sent ici, à Québec, que la vague latino est arrivée, c’est que ça s’est vraiment rendu partout », dit Alberto Maduro, qui anime l’émission Latino Gang à la radio de Lévis, où il diffuse de la musique latine et invite des artistes au micro. « Ça fait 14 ans que je suis ici et je ne l’avais jamais sentie de manière aussi forte. »

Extrait de Tití Me Preguntó, de Bad Bunny
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Réunir les codes

PHOTO EVAN AGOSTINI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

J Balvin

L’ascension fulgurante des musiques aux influences latines dans la pop n’a rien d’un hasard. « Bad Bunny, Maluma et J Balvin ont surfé sur la vague du reggaeton, mais l’ont aussi internationalisée, en utilisant des codes et des clichés de la musique hip-hop et surtout de la pop », décrit Ons Bernat. Les refrains sont accrocheurs et la pop se mélange à la « saveur latine », sur le plan des sonorités comme des thématiques, ajoute-t-il. « L’espagnol est devenu la deuxième langue parmi les plus parlées dans les musiques populaires. Et on voit en même temps des têtes d’affiche qui font de plus en plus de chansons en anglais, ce qui est un gros changement par rapport à il y a 10 ans. » Les collaborations se multiplient également dans les dernières années, fusionnant les cultures et donnant des ailes à la musique latine. Bad Bunny et J Balvin s’associent par exemple à la rappeuse Cardi B pour le succès I Like It, en 2018, un morceau s’inspirant du trap et de la salsa. Maluma et The Weeknd, J Balvin et Beyoncé, Bad Bunny avec Tainy et Dua Lipa… Selon l’agence de données et d’analyse de l’industrie du divertissement Luminate, 1 chanson de musique latine sur 4 parmi les 10 000 les plus écoutées est une collaboration.

Extrait d’Hawái, de Maluma et The Weeknd
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Les réseaux et la diffusion en continu

PHOTO JOSE BRETON, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Karol G

Si la musique traverse les frontières plus facilement que jamais, c’est bel et bien grâce aux plateformes d’écoute en ligne et aux réseaux sociaux. « On ne peut plus éviter ça. On est dans un monde où on est tellement interconnectés, lance Ons Barnat. Aujourd’hui, les artistes sont obligés d’entrer dans ces sphères de commercialisation pour être sûrs que leur musique soit entendue. » En 2022, la musique latine a connu une hausse de 33 % dans les écoutes sur les plateformes en ligne, selon Luminate. Grâce à Spotify et compagnie, il est plus facile que jamais de découvrir de la nouvelle musique. Karol G (49 millions d’auditeurs mensuels sur Spotify), Peso Pluma (50 millions), Ozuna (41 millions), Rauw Alejandro (45 millions) ne sont que quelques exemples de ces artistes de musique latine hyperactifs en ligne dont le récent succès a été rutilant.

Extrait de Tuya, de Rosalía
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Un genre pour tous

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Maluma

Démographiquement, les pays hispanophones et lusophones pèsent très lourd en faveur des musiques aux influences latines. L’espagnol est également la deuxième langue parmi les plus parlées aux États-Unis, d’où émergent souvent les tendances en musique populaire. « On voit bien l’intérêt pour les shows quand on les annonce : la communauté est au rendez-vous », décrit Audray Johnson, précisant que Montréal a la plus grande communauté latine au Canada. Le public québécois répond aussi à l’appel, d’autant plus qu’il existe un lien entre le Québec et certains pays d’Amérique, où les Québécois voyagent beaucoup. « De plus en plus, dans des évènements [de musique latine], je vois des gens qui viennent de partout. Les gens écoutent les percussions et les mélodies et ça les fait sentir bien », affirme Alberto Maduro. Entendrons-nous encore longtemps du reggaeton, du trap latino, de la flamenco-pop, des corridos tumbados dans les festivals et à la radio ? « On est peut-être rendus à l’apogée pour les musiques d’influences latines, car ça n’a pas cessé de monter, dit Ons Barnat. Il y a de ces musiques qui font résonner des cordes sensibles chez des auditeurs qui n’ont pas forcément les mêmes cultures ou ne viennent pas des mêmes endroits. C’est ce qui est magique. »

Des artistes de musique latine attendus cette année

Centre Bell

  • Feid, le 1er juin
  • Peso Pluma, le 4 juin
  • Aventura, le 8 juin
  • Jennifer Lopez, le 5 août
  • Chayanne, le 15 novembre
  • Shakira, le 10 décembre

Parc Jean-Drapeau

  • Pitbull, le 8 juin

Place Bell

  • Sean Paul, le 30 août
  • Grupo Frontera, le 4 septembre
  • Christian Nodal, le 23 octobre
  • Ana Gabriel, le 24 novembre

Plaines d’Abraham à Québec

  • J Balvin et Ivan Cornejo, le 13 juillet, dans le cadre du Festival d’été de Québec
En savoir plus
  • 55,29 %
    Augmentation de la consommation d’albums de musique latine entre 2020 et 2022 aux États-Unis
    Source : Luminate
    1,1 milliard
    Revenu annuel de la musique latine en 2022 (en dollars américains)
    source : variety