La maison de l’auteur-compositeur-interprète Soran, qu’il a partiellement aménagée en studio, abrite bien des révélations sur sa démarche créative, son processus personnel ainsi que son œuvre. La Presse a rencontré l’artiste sur place, pour discuter de son premier album, Loneliness Confetti… et de tout le reste.

En mettant pour la première fois les pieds dans le studio de Soran, installé dans ce qui aurait pu être le salon de sa maison de Greenfield Park, on comprend tout de suite pourquoi c’est ici, et nulle part ailleurs, qu’il veut faire de la musique. C’est là qu’il a créé son tout premier disque, de A à Z. C’est là aussi qu’il invite ses nombreux collaborateurs, pour qui il écrit, compose et réalise. Le lieu est invitant et dégage une aura particulière. « Avant, j’étais dans le sous-sol, c’est là qu’il y avait mon studio », décrit Soran. Désormais, son espace créatif baigne de tous les côtés dans la lumière.

Il ne faut pas chercher longtemps pour trouver le studio-maison de l’artiste. À gauche de l’entrée, dès que l’on arrive, les multiples instruments nous accueillent. Les claviers, les guitares, la batterie, un peu plus en retrait. Au centre, la station principale, l’ordinateur muni des logiciels d’enregistrement, renfermant toute la musique qui est produite ici. Ce qui fut un jour une large salle de séjour est maintenant un lieu où bouillonnent les idées et où naissent des chansons.

Cette maison, sur la Rive-Sud, Soran l’a héritée de sa mère, qui s’est éteinte récemment. Elle était journaliste culturelle au Japon et elle aimait la bonne musique, nous explique-t-il lors de notre visite.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Soran

Toute l’énergie de ma mère est encore là. C’est sa peinture sur les murs. C’est une maison un peu bizarre, très particulière.

Soran

Ici, il a sa façon bien à lui de travailler, dans ses affaires, sans avoir à passer par un studio plus aseptisé ou dont la personnalité ne lui ressemble pas. « Je n’ai pas non plus besoin d’attendre deux mois pour prendre chaque décision ou d’être stressé parce que je fais du bruit », dit-il.

Les confettis de la mélancolie

Alors il a pu faire du bruit et en faire ressortir ce qui est maintenant l’album Loneliness Confetti. Un premier opus, certes, mais un symbole de renouveau, tout de même, pour celui qui fait partie du milieu depuis un moment déjà.

Extrait de Magic, de Soran
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Soran (que certains ont peut-être connu lors de son passage à La voix) était avec la grande maison de disque Universal, jusqu’à ce qu’il mette fin à son engagement, pour prendre son propre chemin. Cette décision a coïncidé avec les difficultés qu’a amenées la pandémie de COVID-19, ainsi qu’avec la mort de sa mère. Dans la dernière année et demie, tant de chamboulements ont finalement mené l’artiste à créer comme il le devait.

Loneliness Confetti est « une célébration du fait d’être dans un état de solitude ».

J’ai eu une grande réalisation dans la dernière année, parce que j’ai dû travailler sur beaucoup de choses à cause de tous les changements dans ma vie, du fait que ma compréhension du monde a changé et que je suis maintenant beaucoup plus en paix.

Soran

Lorsqu’il a confectionné cet album, c’est d’ailleurs en faisant la paix avec le contrôle qu’il exerce sur sa création qu’il a pu faire ce qu’il souhaitait vraiment. En résulte un disque pop, explosif et dansant, parfois mélancolique, mais avec une grandiose touche de… confettis. Entre la dream pop des années 1970 et les synthétiseurs des années 1980, Soran amène une modernité qui, il le dit lui-même, s’inspire de tout ce qu’il entend autour de lui lorsqu’il travaille avec d’autres.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Soran

Et, comme lorsqu’il collabore sur la musique d’artistes divers (dont Claudia Bouvette ou Zach Zoya), Soran a tenté « de [se] voir avec une troisième perspective », de ne pas laisser le besoin de gérer chaque chose de trop près dicter sa démarche. « C’est sûr que c’est pas pareil qu’avec les autres exactement, mais une de mes façons de faire, c’est de prendre ma guitare, d’enregistrer et d’improviser jusqu’à ce que je me perde pour vrai, après quelques minutes. Et quand je réécoute, c’est dans ce moment où je me suis laissé aller que je trouve mes paroles préférées. »

Ses textes parlent d’amour. « In some shape or form, c’est toujours une expression d’amour. Ça vient toujours de cette place d’amour. Et je le fais sans m’en excuser : c’est ça, notre monde. Pas juste l’amour entre deux personnes. L’amour qui est dans l’air, partout. »

Travailler sur soi et pour soi

Sur Loneliness Confetti, Soran a travaillé « pour [lui] », en essayant d’y mettre toute la conviction qu’il insuffle à son travail avec les autres. « C’est comme une forme d’amour que je me donne. Et c’est une belle allusion aussi à ce que je dois faire dans la vie, en tant qu’humain. »

Alors qu’il continue d’avancer et de grandir, en tant qu’humain, en tant qu’artiste, il souhaite que sa maison devienne un espace de rencontre musicale, où les artistes pourront passer du temps. Le très populaire Ontarien Johnny Orlando était justement de passage quelques jours avant notre visite. De plus en plus, des artistes sont au courant que ce lieu existe. Une communauté est en train de se créer.

La maison est grande, Soran compte aménager le sous-sol pour que ceux qui y sont de passage puissent y loger. Sa vision est claire.

Extrait d’Anna, de Soran
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Il nous pointe un mur et nous explique qu’il deviendra bientôt une fenêtre, menant sur le garage, qui sera bientôt un cubicule d’enregistrement. Le studio pourra être loué par des artistes qui souhaitent un lieu calme, paisible, pour créer.

Assis sur un pouf tout au long de notre discussion, un joint à la main, l’artiste est justement cela : paisible. « Je suis tellement reconnaissant pour tout ça. » Soran est à sa place.