Succès sur toute la ligne pour la venue de l’Orchestre de Paris et de son chef Klaus Mäkelä à la Maison symphonique, mardi soir. Un concert chapeauté par l’Orchestre symphonique de Montréal qui fera date dans les annales montréalaises.

La métropole peut s’estimer heureuse de faire partie de la présente tournée nord-américaine de l’Orchestre de Paris, qui n’avait pas traversé l’Atlantique depuis 2003, alors qu’il s’était rendu à New York avec son chef d’alors, Christoph Eschenbach.

Il en a coulé, de l’eau, depuis sous les ponts parisiens, et c’est maintenant le jeune prodige finlandais Klaus Mäkelä qui est à la tête de cette prestigieuse phalange fondée en 1967 par Charles Munch. À 28 ans, le musicien cumule la direction de l’Orchestre philharmonique d’Oslo et de l’Orchestre de Paris, en plus d’être « partenaire artistique » de l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, dont il sera chef en bonne et due forme à partir de 2027.

Pour cette tournée en quatre étapes (Montréal a été précédé de New York, Boston et Ann Arbor), l’ensemble a retenu les précieux services d’un autre phénomène, plus récent celui-là, mais tout aussi fulgurant : le pianiste coréen Yuncham Lim, qui fête ses 19 ans aujourd’hui même. Il a littéralement scié les jambes du milieu musical il y a deux ans en remportant avec un art consommé le Concours international de piano Van Cliburn.

Si c’est avec le Concerto n3 en ré mineur, op. 30, de Rachmaninov que Lim s’était distingué en finale, il a cette fois plutôt jeté son dévolu sur le très populaire Concerto n2 en do mineur, op. 18, du même compositeur.

Dès l’accord initial, qu’il arpège subtilement dans une sonorité évoquant quelque confidence, le jeune pianiste nous agrippe et nous entraîne dans les tourbillons de cette œuvre volcanique.

Le premier mouvement est juste assez électrique (certains interprètes s’y épanchent exagérément), et le second chante bien comme un « adagio sostenuto » devrait le faire.

L’entente avec le chef et l’orchestre est suprême. Le pianiste écoute chaque détail et se fond comme le meilleur des chambristes, sans tirer tout le temps la couverture de son côté. Seule nuisance à signaler : un do aigu effroyablement faux tout au long de sa prestation.

Pas étonnant dans ce cas que le pianiste, acclamé comme on le voit rarement, ait choisi comme rappel la fameuse Étude, op. 10, n3, de Chopin, dont la tonalité de mi majeur fait en sorte d’éviter la plupart du temps la note litigieuse…

On avait préalablement entendu l’orchestre seul dans le Prélude à l’après-midi d’un faune de Debussy, qui étonne avec sa flûte solo peu vibrante (mais pourquoi pas ?) et enchante par son tempo large et souple. Il était toutefois enrageant, après un tel miracle sonore, que le très doux accord final soit interrompu par une tonitruante sonnerie de téléphone. Avec les multiples avertissements répétés à ce sujet depuis une vingtaine d’années, c’est devenu carrément impardonnable.

Pour poursuivre dans cette veine franco-russe, l’Orchestre de Paris proposait après la pause l’intégrale de L’Oiseau de feu de Stravinski, créé dans la Ville Lumière en 1910. Une œuvre qu’il vient justement d’enregistrer pour Decca.

Pas étonnant donc que les musiciens aient autant la partition dans les doigts, notamment le cor solo Benoît de Barsony, dont l’éloquente intervention dans les « Supplications de l’Oiseau de feu » restera gravée dans notre mémoire.

Il n’est pas exagéré de dire que Mäkelä est un authentique magicien des sons, comme en témoigne la magnifique introduction lente et mystérieuse du ballet, mais aussi une très touchante « Berceuse », d’une langueur hypnotique.

Chapeau bas !