(Paris) Figure majeure du rap français des années 1990, MC Solaar revient avec un nouveau souffle et des écrins sonores loin de sa zone de confort, sept ans après son dernier disque.

Vitesses

« On dirait bien que c’est la première fois que j’aime bien aller en studio », sourit l’artiste de 55 ans, rencontré par l’AFP à Paris.

Le rappeur, qui n’avait plus sorti d’album depuis Géopoétique en 2017, publie vendredi Lueurs célestes, premier volet d’un triptyque.

MC Solaar a cassé sa routine avec des allers-retours entre concerts et passages derrière les consoles de mixage. Résultat, une « assurance incroyable », selon ses dires.

« Je ne me vois plus comme je me voyais avant, le “rappeur qui balance du flow”, j’accorde de l’importance à la musique. Je laisse ma voix faire des envolées. Je peux me relâcher, chantonner si c’est utile. Que demande Claude ? », lâche-t-il, parlant de lui à la troisième personne, glissant son vrai prénom.

Illustration dans le morceau On court où il se met en position trois vitesses, entre débit-mitraillette, parlé-chanté et chanson.  

Verbe

MC Solaar rime toujours avec encyclopédique et ludique. En interview, il souligne ainsi que « la musique, ce n’est pas “abscisse, ordonnée”, il y a un truc vivant ». Autre façon de dire que les compositions n’ont rien d’une formule mathématique, contrairement à ce que pense une partie de l’industrie musicale.

Dans le morceau Modernidad, l’artiste fait sonner « prophylaxie » – éviter ou atténuer le nombre et la gravité des maladies – avec « protéger le groove d’ici et de la galaxie ».  

Dans le même titre, il jongle avec les sonorités et « OK boomer » rebondit sur « ton marabout meurt ».

Au rayon punchline, rien à envier à la concurrence : « Il aime tellement les footballeurs, sa femme l’a nommé Zahia » fuse ainsi dans Big data.

Variations

En 2021, après la résolution d’un imbroglio juridique, les jeunes audiences ont pu découvrir sur les plateformes ses trois premiers albums, Qui sème le vent récolte le tempo (1991), Prose combat (1994) et Paradisiaque (1997). Des classiques.

Mais ceux qui s’attendent à des échantillons de jazz ou des emprunts à Serge Gainsbourg – son hit Nouveau Western, dans Prose combat, reposait sur une boucle de Bonnie and Clyde – comme dans ces premiers disques seront surpris.

Lueurs célestes brasse des influences musicales des « quatre coins de monde », comme il le reconnaît. « Il y a des sons du Brésil, des notes orientales, de la French Touch, de l’électro, de la house », se délecte le chanteur, né à Dakar, au Sénégal, de parents tchadiens.  

Un tel éventail n’a rien de surprenant pour celui qui avance en entretien un « pop-art auditif » au sujet des artistes qu’il mentionne au détour de ses textes. Qu’ils soient clairement nommés, comme Pop Smoke (rappeur américain), Ademo (PNL), les Sparks, Maria Callas ou Étienne Daho. Ou suggérés par des clins d’œil, comme Annie Cordy ou Le Grand Orchestre du Splendid. Pour ces derniers noms, il sourit à la pensée de « ceux nés en 2007 qui iront voir sur leur smartphone » de qui il s’agit.

Vision

« Il faut quand même se marrer », répète MC Solaar. Mais quelques propos plus graves affleurent dans ses textes. « Même pendant la récréation, je mets du sens », acquiesce-t-il.

La Gestapo a fait une rafle surgit ainsi au début de Big data. « J’ouvre des fenêtres, je tire des tiroirs pour que les gens s’intéressent à l’histoire ou aux leçons de l’histoire », explique l’artiste.  

Des leçons trop souvent ignorées, puisque dans le morceau Sonotone, remontant à son précédent album Géopoétique, MC Solaar déplorait déjà que le Ku Klux Klan se paye « le luxe d’être permanent ».

Lueurs célestes s’achève sur une Comptine sombre et un constat déprimant sur le changement climatique.

Pour la suite du triptyque, le rappeur donne rendez-vous : « Dans moins de trois mois, à mon avis ».