Si le « studio de son » installé en novembre dernier au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) pour la résidence de Flore Laurentienne était impressionnant et colossal visuellement, le nouvel album de l’artiste qui en résulte, 8 tableaux, est à l’image des recherches réalisées par l’artiste durant cette période.

Sons sophistiqués, complexes, organiques… L’opus de Mathieu David Gagnon se concentre sur l’éventail de couleurs et de textures sonores que peuvent produire les synthétiseurs Moog analogiques ayant habité l’espace de sa résidence du MBAM. L’expérience est totale et réussie : le travail sur les volumes, les fréquences, les rythmes crée des ambiances feutrées, aériennes, mystérieuses et, surtout, contemplatives. L’auditeur devra faire preuve d’une écoute attentive pour apprécier le projet et, si possible, en utilisant une bonne chaîne stéréo ou un casque d’écoute. C’est ainsi que l’on saisit toutes les subtilités de la nouvelle production de Flore Laurentienne.

Le titre, 8 tableaux, réfère d’emblée aux arts visuels, ce qui n’est pas anodin. Il renvoie directement à l’inspiration de l’artiste, soit les œuvres de Jean Paul Riopelle. Et plus précisément, celles qui ont été installées sur les cimaises du « studio de son » du Musée pour l’occasion. Autrement dit, lorsqu’il composait, le musicien scrutait simultanément des peintures et des lithographies.

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Mathieu David Gagnon a choisi d’exploiter les possibilités techniques des synthétiseurs analogiques qu’il avait à sa disposition en procédant par accumulation de couches de sons et en ajoutant de nouvelles notes au fur et à mesure de la progression des morceaux. C’est le cas, entre autres, des pièces Au couchant ou L’Île-aux-Oies.

Si cette manière de composer transparaît dans tout l’album, c’est d’ailleurs également ce qui ressort des créations de Riopelle, soit les surfaces multicouches. Là se trouve l’intérêt du projet : chaque piste est l’occasion d’interpréter une des créations visuelles du peintre. Dans Autriche III, on semble pouvoir parcourir la toile éponyme de droite à gauche. La musique commence par des accords sporadiques, achoppés et assumés de guitare qui sont ensuite remplacés par des textures sonores discrètes, avant de revenir en force et de se mélanger à d’autres types de sons. La nuit bleue fait entendre des effets de crépitements, dans des teintes sombres, qui rappellent les points et les lignes de la composition de Riopelle.

L’album entier offre des ambiances aériennes sans début ni fin, comme le all over d’une œuvre abstraite. Cette idée atteint son paroxysme lorsque l’on constate que l’opus forme une boucle : la première pièce, Point d’ancrage, et la dernière, Bleu-vert (vert de bleu) sont identiques.

Mathieu David Gagnon est connu pour son travail en lien avec la nature et, parallèlement, Riopelle s’est également beaucoup inspiré de celle-ci pour créer. Toutefois, le nouvel opus ne verse pas dans les lieux communs. Grâce au potentiel des différents synthétiseurs analogiques utilisés, l’album 8 tableaux renouvelle le son de Flore Laurentienne.

Extrait de La nuit bleue

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8 tableaux

Musique instrumentale

8 tableaux

Flore Laurentienne

Secret City Records

8/10