Entre deux performances au mythique festival Coachella, la chanteuse belge Angèle a parlé à La Presse de son évolution, de ses ambitions et de sa tournée nord-américaine, qui la mènera au Centre Bell de Montréal les 29 et 30 avril. Entrevue.

Angèle est une perfectionniste. L’une de ces personnes qui ont du mal à lâcher prise, qui sont rarement satisfaites, même lorsqu’elles accomplissent de grandes choses. « Ça m’a permis d’avancer dans ma vie, nous dit-elle alors que nous la rencontrons sur Zoom pour une entrevue. Ça m’a permis de ne pas me contenter, de ne pas voir petit, de toujours vouloir m’améliorer. Je sais toujours sur quoi je peux m’améliorer. »

C’est probablement cette ambition qui l’a menée où elle est aujourd’hui. En tournée nord-américaine, après la sortie de son second album qui l’a déjà menée sur les scènes européennes. Au moment de nous parler, elle est en Californie, quelques jours après sa première performance au festival Coachella et quelques jours avant sa seconde (l’évènement se déroule sur deux week-ends).

À l’arrivée de ce moment historique dans sa carrière, Angèle a pour une rare fois réussi à lâcher prise. « C’est tellement important de pouvoir le faire, dit-elle. Et j’ai étonnament réussi, même si les enjeux étaient tellement grands et que c’était une situation qui me rendait tellement vulnérable : je suis une francophone dans cette grande scène, dans un horaire assez bon [21 h], et c’était en plus filmé en direct. Ça met la pression. Mais la seule chose sur laquelle j’ai du pouvoir, c’est de me concentrer et de m’amuser. »

Dans sa chambre d’hôtel, installée au bureau, de grandes lunettes sur le nez, Angèle a l’air tout à fait sereine. La très sympathique chanteuse se dit « hyper heureuse » d’avoir pu vivre ce moment, qui n’est pas offert à tous, encore moins lorsqu’on est un artiste qui chante en français.

IMAGE TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM DU FESTIVAL COACHELLA

Angèle à Coachella

Coachella, c’est un peu un goal de ma carrière. Je n’ai pas la volonté de conquérir le territoire des États-Unis, mais juste de m’y produire et de pouvoir rencontrer le public qui m’écoute là-bas et pouvoir m’éclater avec lui.

Angèle

D’ailleurs, une des choses qui l’ont le plus touchée a été de se rendre compte qu’une partie de la foule de Coachella entonnait ses refrains en français lors de sa performance. « Ils chantaient vachement ! Il y avait clairement des gens qui étaient là parce qu’ils me connaissaient, raconte-t-elle. C’est assez cool. Il y avait vraiment de tout dans le public, des curieux comme des gens qui connaissaient les paroles. Mais tout le monde était à fond. »

Évolution constante

IMAGE TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE L’ARTISTE

Angèle à Coachella

Pour la chanteuse qui a maintenant un bassin de fans bien établi dans la francophonie, cette découverte d’un tout nouveau public est une chance incroyable. « Je n’ai jamais eu l’envie de conquérir d’autres territoires ou même, sincèrement, juste de remplir des mégasalles en France. Mais j’avais envie que ça marche, indique Angèle. Je voulais faire un projet cohérent, de la musique qui marche, j’avais envie d’être écoutée. Je ne sais pas si j’avais vraiment réalisé au début ce que ça voulait dire. Je ne sais pas si j’avais envie de devenir une mégastar, même si maintenant que c’est là, j’en suis très heureuse. »

Mais faire de la musique pop qui marche, et l’assumer, ne veut pas dire délaisser l’ambition artistique, soutient-elle. « Je veux que ça ait ma patte, je ne voudrais jamais avoir à me déguiser, ajoute l’artiste. Il y a des périodes où je me suis cherchée. Même encore récemment. Et la difficulté du métier, c’est qu’on se cherche publiquement. Nos erreurs, elles sont publiques aussi. Mais on apprend et les évolutions sont visibles. Ce que j’ai comme sentiment, au final, c’est qu’il y a encore de l’évolution possible, tout en étant vulnérable. C’est le mélange entre un truc très clair, une envie de faire des choses, et en même temps, je ne sais pas exactement où ça me mène. »

Il s’en est passé, des choses, depuis ses débuts. Celle qui vient d’être sacrée artiste féminine aux Victoires de la musique regarde en arrière avec la fierté du chemin parcouru, mais en constatant aussi les apprentissages que ce parcours lui a donnés.

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« Au début de mon projet, je n’avais aucun rôle à endosser, j’étais une nouvelle artiste qui débarquait, relate-t-elle. J’étais telle que j’étais, avec mes défauts, mes qualités. J’ai toujours des faiblesses, mais parfois j’essaye de les gommer pour essayer d’être parfaite. Je me dis que si j’en suis arrivée là, je dois faire en sorte de toujours le mériter, je ne peux donc pas faire d’erreurs. Je ne peux pas être fatiguée, je ne peux pas être à côté de la plaque, je dois tout le temps être carrée. »

Le travail qu’elle fait sur elle-même vise à la rendre plus indulgente, à accepter d’être qui elle est, tout simplement. « J’y arrive parce que le public est indulgent, et que, quelque part, il est juste content de voir une artiste qui est encore présente, qui est en développement. C’est très cool, par exemple, de me dire que j’arrive dans quelques jours au Québec avec un public qui me connaît, qui me soutient, qui est content et touché que je vienne. Et moi de même. »

Danser en tournée

PHOTO VALERIE MACON, AGENCE FRANCE-PRESSE

Angèle

La tournée nord-américaine d’Angèle est entamée depuis le début du mois d’avril. Après avoir défendu plusieurs années son premier disque, l’acclamé Brol, la Belge s’est lancé de nouveaux défis pour la série de concerts pour son album Nonante-Cinq.

« Mon autre tournée avait commencé avec les premières parties de Damso et s’était terminée au Centre Bell, à Montréal ! L’écart était grand. C’était un spectacle qui était hyper touchant, hyper sincère, mais qui avait commencé dans de toutes petites salles. On avait rajouté des couches, des gens, des musiciens. C’était cohérent avec l’époque. Et cette fois, j’avais aussi envie de cette cohérence par rapport à un projet qui est plus pop, qui a beaucoup de chansons qui donnent envie de danser, des chansons pleines de paillettes et qui voulaient nous sortir de la morosité de la COVID-19 à l’époque. »

Des mois de travail ont permis de monter un concert élaboré, durant lequel l’artiste danse beaucoup, avec des effets scéniques plus grandioses. Une petite fête de deux heures ! « Depuis le début de la tournée, on l’a rodé, on l’a changé, on l’a amélioré, dit Angèle, fidèle à la façon dont elle se décrivait en début de conversation, toujours à la recherche du mieux. On a une base solide qui nous permet de toujours nous améliorer. Ce que j’adore de la scène, c’est qu’on peut se préparer, mais pour apprendre le métier, il faut le faire, il faut y aller. »

C’est donc ce qu’elle fait depuis maintenant un an avec ce nouveau spectacle qu’elle présentera au Centre Vidéotron, puis au Centre Bell pour deux soirs de suite. « Le public à Montréal et à Québec, je le compare un peu au public belge, dit Angèle. C’est un public tellement joyeux, festif et, en même temps, tellement à l’écoute. C’est dommage qu’on soit si loin, parce que je viendrais plus souvent. On a une vraie histoire. »

Angèle sera en concert au Centre Vidéotron le 27 avril et au Centre Bell les 29 et 30 avril.