À 77 ans, Catherine Lara a « toujours la pêche » et se fait une joie de revenir chanter au Québec. La chanteuse et violoniste française sera en concert à la Maison symphonique samedi. Une belle occasion pour prendre des nouvelles de l’interprète de Nuit magique.

Vous n’étiez pas venue chanter au Québec depuis combien de temps ?

Presque 15 ans. Le fait est que je n’ai pas sorti de disque de chansons depuis un bon petit moment. Et malheureusement, il faut avoir sorti un album pour continuer sa vie d’artiste et pouvoir aller dans un pays. C’est un peu fatigant, tout ça. C’est pour ça que ça fait longtemps, mais si vous saviez comme ça me manque.

Ce spectacle dans lequel vous êtes seule sur scène avec deux pianistes est-il nouveau ?

J’en ai donné deux déjà en France. Et sincèrement, je n’ai jamais été aussi heureuse qu’avec ces deux magnifiques pianistes. Avec deux pianos à queue, et moi avec mon petit violon, j’ai la sensation d’arriver à l’essentiel. Et je suis obligée d’être encore meilleure parce qu’on entend le moindre mot, le moindre souffle.

Est-ce un retour à la source de la musique ?

Tout à fait. Il y a tout ce que j’aime. Un peu de musique classique, de la musique du monde avec des inspirations des pays de l’Est et des chansons que les gens ont envie d’entendre, comme Nuit magique ou Au milieu de nulle part. On est là pour faire plaisir aux gens qui nous font l’honneur de se déplacer ! Mais on les a un peu transformées, on leur donne une nouveauté.

Avez-vous davantage envie de donner des concerts que de faire des albums ?

Faire des disques aujourd’hui, pfff… La promotion et tout, c’est très ennuyeux. Je n’ai pas envie de faire des disques pour faire des disques. J’en ai fait par intime conviction que j’avais besoin et envie d’écrire. Ça n’exclut pas que j’en fasse un autre un jour, mais il serait temps que je me décide, avant d’y aller avec mon déambulateur ! Hahaha ! Non, mais j’ai la pêche, tout va bien. Je ne vais faire un disque que si j’ai une bonne raison de le faire.

Vous avez derrière vous plus de 50 ans de carrière… c’est impressionnant !

Oui, et je suis encore là ! Je n’ai pas envie de rester chez moi, vous pensez bien. Tant que les gens me donneront de l’amour et que j’aurai la voix, l’énergie, la force, je le ferai. Je suis très heureuse sur scène, je me sens comme une gamine. Je marche, je nage, je suis en pleine forme. Maman est partie à 102 ans, il y a six ans. Et à 101 ans, elle demandait à avoir un vélo sur place dans sa chambre. J’ai de qui tenir !

Pendant les années 80, vous avez été une des premières homosexuelles à faire son coming out. Aujourd’hui, on parle beaucoup de diversité de genre et sexuelle. Trouvez-vous ça beau à voir ?

Je me dis surtout que j’ai bien fait d’être vraie. Il n’y a rien de pire que se cacher derrière quelque chose de beau. Parce que c’est juste ça, de l’amour. Mon homosensualité, parce que je préfère ce mot, je l’ai vécue complètement libre. Je n’ai jamais souffert de ça. Mais je me suis dit que si ça pouvait aider les gens à être heureux comme ils sont… C’est plus facile maintenant qu’à l’époque, mais pas tant que ça. Il y a encore un gros travail à faire à la base.

Mais quand vous voyez des vedettes comme Angèle ou Pomme, qui arrivent en disant voici qui je suis…

C’est chouette. Ce sont des filles qui ont du talent, le talent d’être honnête. On n’est pas obligé de le dire, parce que c’est privé, mais c’est bien de le faire exister et de parler de la beauté de l’amour. Je vis avec la même femme depuis 27 ans, c’est plutôt une jolie histoire d’amour. Tout le monde ne peut pas en dire autant !

Une autre relation qui dure depuis longtemps est celle avec le public. Est-ce la plus nourrissante ?

Je ne sais pas, mais elle a l’avantage de me nourrir sans me faire grossir, haha ! La nourriture du public, elle est à la fois divine et amincissante. C’est le meilleur régime du monde !

À quoi votre public ressemble-t-il  ?

J’ai beaucoup de chance. La majorité, ce sont les gens qui m’ont suivie toute ma vie, mais il y a aussi des jeunes de 18 ans qui m’aiment bien. Ils s’en foutent de l’âge ou de mes cheveux blancs les mômes, c’est l’émotion qu’ils cherchent. Ils ont besoin de vrais sentiments, de quelque chose de profond et sincère.

Comment appréhendez-vous vos spectacles au Québec ?

Je suis très émue. J’ai un gros morceau de cœur chez vous. Ça fait si longtemps, je me dis pourvu que ce soit bien, que je sois bonne, que je fasse plaisir. Je ne viens pas là comme on va n’importe où. C’est comme une première communion, un mariage, avec des gens que j’aime.

Par souci de concision, l’entrevue a été remaniée

Consultez la page de Catherine Lara et deux pianos, sur le site de la Place des Arts