Après le succès d’un premier album et quelques secousses, l’autrice-compositrice-interprète montréalaise Hanorah lance Perennial, œuvre intime pleine de soul dans laquelle elle reprend les rênes de sa carrière et de son art.

C’est qu’il s’en est passé des choses depuis la sortie de For the Good Guys and the Bad Guys au début de 2019 : 2 millions d’écoutes sur les plateformes et beaucoup de spectacles ici, au Canada et aux États-Unis, mais aussi un épuisement professionnel, un changement d’équipe… et une pandémie.

« J’ai pris un pas de recul pour regarder ma vie et décider de ce que j’ai envie de dire », raconte la chanteuse dans son charmant mélange de français et d’anglais typiquement montréalais. La pandémie est arrivée à point, lui donnant amplement de temps pour réfléchir et travailler.

« J’ai écrit de nouvelles chansons, j’ai donné du temps à celles qui existaient déjà, revisité mes démos. Je n’avais pas le choix, j’étais seule dans mon appart ! »

Le #metoo de l’été 2020 dans l’industrie de la musique a été tout un bouleversement pour Hanorah. Quand sa maison de disque, Dare to Care, s’est retrouvée au cœur de la tempête, il a tout de suite été clair qu’elle devait partir.

« C’était vraiment ironique », dit la chanteuse qui a subi une agression sexuelle dans sa jeunesse. « À l’époque, j’écrivais des chansons par rapport à la guérison d’agressions sexuelles. Comment ces gens pensaient que c’était correct de m’inviter dans leur monde en sachant que je n’étais pas safe avec eux ? C’est ridicule. Almost funny. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Hanorah

Dare to Care s’appelle maintenant Bravo Musique et Hanorah est restée en bons termes avec les gens qui y travaillent. « Ils ont fait beaucoup pour moi, pour ma carrière. » Mais c’était « le temps de changer de direction et d’équipe », dit-elle. Elle est donc partie rejoindre son amie Dominique Fils-Aimé chez Ensoul, où elle se sent particulièrement bien. « C’est un bon fit pour moi. »

Respect

Hanorah voulait aussi changer sa manière de voir et raconter les choses. Si, dans son premier album, elle dévoilait ses blessures, le temps était venu d’en parler autrement. La chanteuse, qui n’a plus envie de « chanter des chansons sur le viol pour les clics et les likes », a surtout constaté que d’en parler aussi souvent et crûment fait perdurer le traumatisme.

« Est-ce que je veux faire encore cinq ou six autres albums sur ça ? Non. Surtout que ça ne règle rien sur le long terme par rapport au changement social qu’il faut pour combattre les agressions sexuelles. »

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Elle a réalisé que l’art peut être un baume et non seulement un confessionnal où on dévoile ses plaies ouvertes. Et elle sait maintenant qu’elle peut le pratiquer sans sacrifier sa santé mentale, et avancer.

Je pense que je peux aborder mes sujets de manière vulnérable et honnête sans que je donne tout et que je ne reçoive rien en retour. Ce n’est pas une nécessité, que les chansons soient toutes autobiographiques. It’s not all about me.

Hanorah, autrice-compositrice-interprète

Bref, Hanorah n’a pas envie de se « regarder dans le miroir pendant 10 chansons », et elle s’est servie autant de ses histoires que de celles des gens autour d’elle pour parler d’amour, de relations humaines et d’intimité. « Les chansons ont été écrites à différentes périodes de ma vie et c’est beau de les revisiter aujourd’hui avec une nouvelle perspective. C’est pour ça que l’album s’appelle Perennial. »

Par leur authenticité et leur vérité, le soul, le R & B, le gospel, qu’elle chérit depuis toujours, sont le véhicule idéal pour ces thèmes. Avec le réalisateur Jacques Roy (Dominique Fils-Aimé), Hanorah a passé deux semaines dans un studio à L’Assomption avec ses musiciens, à matérialiser les idées qu’elle avait eues toute seule dans son appartement. Le résultat capte chaque inflexion de sa voix riche et chaude.

« Tout est trop, trop clair, on entend même les postillons quand je chante ! Pour moi ça ajoute à la vulnérabilité et au risque d’être honnête. Ça dit : voici ce que je suis en ce moment, et comment je sonne. »

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Hanorah veut continuer en respectant son corps, sa voix qui est son outil, sa santé mentale. « Je ne veux pas être famous ou virale, je veux être bien. Et quand cette carrière m’éloigne de ça, c’est non. »

Comme après la tournée intensive qui a suivi la sortie de son premier album, qui s’est soldée par un épuisement. « J’avais 23 ans. Je ne savais pas que ça pouvait être différent. » Cela fait partie du contrôle qu’elle a maintenant sur sa carrière : plus question d’être « obsédée par la culture de la productivité » et d’utiliser son énergie à autre chose que « faire de la bonne musique ».

« C’est correct de reculer et de ralentir. Moi, je veux juste faire un album dont je serai encore fière dans 40 ans. C’est tout. »

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