Le jeu de mots est facile, mais inévitable : Cristobal Tapia de Veer a raison de sourire. Le compositeur québécois connaît un automne exaltant, non seulement parce qu’il signe la musique du film numéro 1 en Amérique du Nord, Smile, mais parce qu’il poursuit aussi l’aventure du White Lotus, la série de HBO grâce à laquelle il s’est emparé de deux prix Emmy.

En entrevue, Cristobal Tapia de Veer, dit Cristo, peine à trouver les bons mots pour qualifier cette période foisonnante. Il sait toutefois une chose : s’écouter, c’est payant.

« Dans ce métier, tu as toujours quatre ou cinq choix. J’aurais pu refuser The White Lotus. J’aurais pu refuser Smile. Mais j’ai suivi mon gut feeling [instinct]. J’ai pris les bonnes décisions. C’est rassurant », déclare le multi-instrumentiste, en discussion sur Zoom.

Depuis deux semaines, la musique de Cristo donne la chair de poule aux cinéphiles dans Smile (en français, Sourire), un film d’horreur du réalisateur américain Parker Finn, qui relate l’histoire d’une thérapeute témoin d’un évènement traumatisant impliquant une patiente.

Avec des recettes internationales qui surpassent 100 millions US, le long métrage trône au sommet du box-office aux États-Unis. Il domine également le classement au Québec, confirme l’agence Cinéac.

Personne ne pensait que ça allait être aussi gros. C’est capoté !

Cristobal Tapia de Veer

Terrifiant, mais amusant

Fidèle à son habitude, Cristobal Tapia de Veer est sorti des sentiers battus pour concocter l’ambiance sonore bruitiste lancinante de Smile. Pour reproduire le timbre d’un rire « diabolique », l’artiste d’origine chilienne s’est notamment servi d’un daxophone, un instrument de musique expérimental composé d’une fine lame de bois et d’un archet.

« Le but, c’était de faire le score [trame sonore] le plus creepy [sinistre] de l’année ! », rigole l’ex-collaborateur de Mario Pelchat et de Bran Van 3000.

Cristo a planché sur l’offrande des studios Paramount pendant près d’un an, toujours à partir des Laurentides, dans son studio d’enregistrement maison. Le résultat final comble ses attentes.

Ça m’a rappelé les films d’horreur classiques que j’allais louer en VHS au club vidéo quand j’étais petit. Parce que Smile, c’est terrifiant, mais c’est aussi amusant. Il y a des punchs, tu cries, tu fais le saut… Ce n’est pas un truc déprimant.

Cristobal Tapia de Veer

L’éclosion de Smile survient quelques semaines après une autre étape marquante pour Cristobal Tapia de Veer : son doublé aux Emmy pour avoir signé le thème musical et l’ambiance sonore de The White Lotus (en français, Le lotus blanc), battant au passage des séries comme Squid Game (Le jeu du calmar) et Loki, une superproduction de Marvel.

« Le premier, c’était comme un choc, raconte l’heureux élu. Le deuxième, je capotais ! Deux prix, c’est débile ! »

PHOTO CHRIS PIZZELLO, INVISION, FOURNIE PAR ASSOCIATED PRESS

Cristobal Tapia de Veer aux Creative Arts Emmy Awards, le 4 septembre

Sous les projecteurs du Microsoft Theater de Los Angeles, l’amoureux des animaux a dédié son premier trophée à Wilma, sa chatte adorée, morte juste avant l’évènement.

Retour au Lotus blanc

En plus de récolter ce qu’il a semé, Cristobal Tapia de Veer planche sur d’autres films cet automne. Il s’agit toutefois de projets « top secret » à propos desquels rien ne doit filtrer.

Heureusement pour nous, le diplômé du Conservatoire de musique de Québec peut discuter librement des nouveaux épisodes de The White Lotus, que Crave relaiera à compter du 30 octobre. Dans cette deuxième saison fort attendue, qui met en vedette Michael Imperioli, Aubrey Plaza et Theo James, le téléspectateur plongera dans l’univers d’un groupe de riches vacanciers installés au chic Four Seasons San Domenico Palace, en Italie.

Les enjeux [de la deuxième saison] sont différents. Il y a moins de clins d’œil politiques. Les images sont superbes. Et tous les personnages sont intéressants.

Cristobal Tapia de Veer

Côté musique, Cristobal parle d’un « choc moins violent », loin des rythmes tropico-hypnotiques de l’édition hawaiienne. « Il y a des influences des musiques italiennes, des musiques classiques, de l’opéra… C’est beaucoup plus harmonieux. »

Pour relever ce défi, l’ancien membre du groupe One Ton (Supersexworld) a collaboré avec Kim Neundorf, productrice et directrice de l’agence montréalaise Free Run Artits. Cette dernière qualifie l’expérience d’« effrayante et super excitante ».

« Cristo respire la musique. Son niveau est extraordinaire. Ses connaissances sont plus qu’exceptionnelles. C’est fou ce qu’on apprend avec lui », raconte-t-il.

En raison du rythme effréné des derniers mois, Cristobal Tapia de Veer n’a pas encore pris le temps de savourer son succès. Il espère toutefois « ouvrir le champagne » d’ici janvier. Peut-être « autour de Noël, quand les choses vont s’être calmées un peu. »