La salle Wilfrid-Pelletier était l’hôte, jeudi soir, de la première montréalaise d’Histoires sans paroles – Harmonium symphonique. Un spectacle à grand déploiement qui n’aura pas comblé que les inconditionnels de ce groupe culte.

C’est Trois-Rivières qui avait eu, au printemps dernier, la chance d’être l’hôte de la création de cette production célébrant la musique d’Harmonium. Montréal accueille maintenant ce qui est qualifié un peu pompeusement de « Chapitre II ».

Ce dernier est divisé en une « trilogie » : « La grand-messe » à l’église Saint-Jean-Baptiste, qui devait avoir lieu début septembre et sera finalement donnée en novembre 2023, « La création originale », qui est l’objet du présent compte rendu, et « La pure symphonie », prévue au mois de janvier à la Maison symphonique.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Le chœur d'Histoires sans paroles – Harmonium symphonique

Ces trois formules d’Histoires sans paroles – Harmonium symphonique exploitent le contenu du disque éponyme lancé il y a deux ans, mais dans des lieux et des habillages légèrement différents. Il serait donc inutile pour quelqu’un ayant assisté au spectacle de la salle Wilfrid-Pelletier de se déplacer pour voir le reste de la trilogie, à moins d’être un aficionado.

Ceux qui s’étaient peut-être attendus à savourer la poésie de Serge Fiori et Michel Normandeau seront restés sur leur faim, puisque – comme l’annonce le titre – aucun mot n’est entendu tout au long de la soirée.

Les deux apparitions des chanteuses Kim Richardson et Luce Dufault (qui émerge d’une sorte de rocher moussu !) sont donc réduites à du chant sur des voyelles. Idem avec le Chœur des jeunes de Laval, placé dans les côtés en avant-scène.

Le spectacle mise donc avant tout sur la qualité de la musique (une sorte de best of des trois disques), principalement de Serge Fiori, avec l’aide occasionnelle de Michel Normandeau et de Neil Chotem.

Et quelle musique ! Fiori n’est vraiment pas le premier gratteux de guitare venu, malgré le fait qu’il reste autodidacte (il a quand même baigné très jeune dans la musique en côtoyant son jazzman de père).

Plusieurs facettes d'Harmonium

Les partitions originales (en particulier celles des deux derniers albums) étaient déjà bien complètes en soi, mais l’arrangeur Simon Leclerc est parvenu à les magnifier en les pliant à la discipline de l’orchestre symphonique (dans ce cas-ci l'OSM). Solos de bois, contrepoints astucieux, accompagnements contrastés… tout concourt à mettre en lumière les différentes facettes de la musique d’Harmonium. L’apport ponctuel de la guitare de Sylvain Quesnel permet de se rapprocher des couleurs des albums originaux.

Mentionnons également la direction énergique de la cheffe Dina Gilbert. Certains tempos paraissent rapides, mais ce genre de spectacle à grand déploiement permet assurément moins de souplesse à ce chapitre.

Car grand déploiement il y a ! Pour passer à travers ces 140 minutes de musique, le public est convié à une sorte de conte fantastique tirant profit d’impressionnantes projections signées Marcella Grimaux, de Noisy Head Studio, mais aussi de figurants qui sortent d’un peu partout.

Les spectateurs ne sont pas en reste, avec des dispositifs lumineux téléguidés qu’ils sont invités à porter au cou à leur entrée en salle. Un choix dont la signification nous échappe toutefois.

Un banc de parc descend d’un immense puits au plafond. Un homme habillé à l’ancienne (un commis de bureau des années 1950 peut-être) lit le journal, mais est bientôt invité par un enfant à sortir de sa torpeur. Survient ensuite une poignée de lapins d’allure quelque peu maléfique fixant le public de manière interrogatrice.

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La mise en scène est grandiose dans Histoires sans paroles – Harmonium symphonique.

Les projections feront ensuite voyager ces différents personnages dans les entrailles de la Terre et dans une forêt enchantée. Sommes-nous chez Dante ? Chez Verne peut-être ? À la fin, l’homme se demande si tout cela était un rêve.

Une allégorie du pouvoir de l’art de nous transporter dans des contrées inattendues ? D’un Québec qui s’éveille à de nouveaux rêves durant la Révolution tranquille ? Allez savoir.

Un spectacle visiblement très coûteux – qui devra probablement tourner ailleurs pour se rentabiliser –, un peu longuet par moments, surtout si la musique d’Harmonium nous est moins familière, mais qui garde constamment les sens en éveil. Et donne finalement envie de se (re)plonger dans la version princeps pour savourer le verbe fiorien.