Sur une carrière qui a débuté il y a plus de 30 ans, Kurt Wagner a peaufiné sa musicalité et celle de son groupe, Lambchop.

Si les albums proposés dans les années 1990 sont brutaux, bruyants et carrés — on pense notamment à Thrillers, où les titres My Face Your Ass et Your Fucking Sunny Day ne font pas dans la subtilité –, la finesse des accords et la recherche des harmonies ont gagné le travail de Wagner au tournant du millénaire (Nixon, paru en 2000, et surtout Mr. M, en 2012, sont à ajouter à votre collection de vinyles).

Depuis, les albums de qualité, mûrs, sans faux pas, se suivent. Flotus, Trip, Showtunes… Et nous voici avec The Bible dans les oreilles, œuvre testamentaire musicale : Wagner revient sur les évènements tragiques de Minneapolis et le meurtre de George Floyd le 25 mai 2020. La plaie est encore vive. L’amour est-il assez puissant pour pardonner ? L’avenir des États-Unis est-il compromis ? L’État policier est-il au service de la société ou en est-il son plus grand ennemi ? « Across the great dismal abyss, it takes an army, we are no army, we’re not advancing, real trouble to exist, you kept the change, I took the bills », chante-t-il sur Whatever, Mortal.

Ces questions majeures sont lancées par la voix grave, chaude et « autotunée » de Wagner. Elle s’élève au-dessus d’arrangements de grande qualité. L’homme-orchestre, capitaine d’un navire où les matelots musiciens vont et viennent au gré des albums et tournées — on compte plus de 25 membres différents de Lambchop ! —, a pour la première fois laissé le gouvernail de la réalisation à d’autres. Andrew Broder et Ryan Olson sont les heureux élus. Sans dénaturer le travail complexe créé par Wagner au fil des ans, ils proposent une actualisation de sa musique : le romanesque s’invite sur The Bible et y côtoie des airs de jazz, amalgame propice à l’implantation d’une ambiance tamisée de style lounge-crooner.

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Des airs d’alt-country côtoient également de l’électro, des notes de R&B, de gospel, de funk et de classique (piano, violons et trompettes viennent dramatiser des textes déjà bien noirs).

Au jeu des comparatifs, cet album nous rappelle Bon Iver (l’éponyme, sorti en 2011) et, dans une moindre mesure, Destroyer. Voilà un disque ancré dans l’actualité, tant pour les textes que pour sa réalisation. The Bible devrait marquer d’une pierre blanche la discographie de Lambchop.

The Bible

Alt country

The Bible

Lambchop

Merge Records

8,5/10