Plus fragile qu’avant, Richard Séguin offre un album inquiet, mais empreint d’espoir.

On ne demande pas à un pommier de donner des oranges. Imperméable à ce qu’il a déjà appelé « le syndrome de la nouveauté », Richard Séguin creuse son sillon à l’abri des modes. Il pratique son art – son artisanat, dirait-il – en se concentrant sur sa guitare et sa poésie concrète. Les liens les lieux, titre de son dernier disque, est d’ailleurs à prendre au pied de la lettre : il chante ce qui nous relie les uns aux autres (la tristesse, l’amour, le désir de beauté) et le territoire où il est enraciné.

Séguin surprend un peu à la première chanson, Un peu de poésie : ce n’est pas sa guitare qu’on entend d’abord, mais un piano mélancolique comme une pluie de novembre. « Il est déjà minuit / Dans la forêt du monde / Qu’est-ce qu’on a trahi ? / Entends-tu l’orage qui gronde ? », chante-t-il doucement. Ses inquiétudes sont nombreuses : la destruction de l’environnement, l’avenir de la nation québécoise, la cohésion sociale et les politiques à courte vue, sujets qu’il évoque au fil des chansons. Sans aucune envie de jouer les protest singers.

Les liens les lieux est au contraire un disque habité par l’espoir. Un espoir sincère, candide parfois, mais pleinement assumé. Ça s’entend aussi : plusieurs des morceaux encore une fois réalisés par Hugo Perreault cherchent à s’élever avec des chœurs, des cordes ou des arrangements pop-rock étonnamment portés sur les atmosphères. Ça ne marche pas à tout coup. Habité, par exemple, n’arrive jamais à se défaire de son côté poussif et les cordes, même sobres et élégantes, en font déjà un peu trop sur Être ici.

Ce n’est pas quand les chansons cherchent à s’envoler qu’elles s’élèvent le plus. Plutôt quand elles ont les deux pieds plantés en terre, les yeux tournés vers le ciel. On n’a jamais entendu Richard Séguin aussi émouvant que sur Tout près des trembles. Le tambour est une fort belle marche à l’amour et à l’espoir. Son chant est souvent moins sûr qu’avant. Ou bien il affiche mieux qu’avant ses zones de fragilité. Mais c’est dans des moments comme celui-là que Les liens les lieux est le plus humain et le plus beau.

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Les liens les lieux

Folk rock

Les liens les lieux

Richard Séguin

La roche éclatée/Spectra Musique

6/10