« I need somebody/somebody like you », scande Bryan Adams dans le refrain d’un de ses innombrables succès, qu’il jouera fort probablement sur les scènes québécoises où sa tournée s’arrête à partir de mercredi. Ils avaient tous les deux besoin l’un de l’autre : la star et son principal partenaire d’écriture, Jim Vallance, se racontent à quelques semaines de leur intronisation au Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens.

Bryan Adams se souvient précisément du moment où il a compris que les chansons ne descendaient pas du ciel, mais émanaient du cerveau bouillonnant d’êtres de chair et d’émotions. Il a alors 11 ans et les yeux plantés dans la pochette de Rockin’ the Fillmore (1971), de Humble Pie.

« C’est grâce à Humble Pie que j’ai découvert Ray Charles », racontait le chanteur canadien, joint chez lui en juin dernier. « Je voyais le nom de Ray Charles dans la pochette [la formation anglaise livre une version homérique de sa chanson Hallelujah I Love Her So], mais il n’y avait personne dans le groupe qui s’appelait Ray Charles. J’ai fini par réaliser que j’avais déjà entendu plusieurs de ses chansons, reprises par d’autres, sans savoir qu’elles étaient de lui. »

Janvier 1978. Bryan Adams, 18 ans, et Jim Vallance, son aîné de sept ans et demi, font connaissance dans un magasin d’instruments de musique de Vancouver. Vallance venait alors tout juste de quitter son poste de batteur au sein de la formation Prism, afin de jouer son va-tout sur une potentielle carrière d’auteur-compositeur et de réalisateur. Il accroche vite son train à la fringante locomotive de son jeune ami.

« Bryan avait une énergie, un enthousiasme impossibles à nier. Son ambition n’était pas arrêtable », se remémorait-il récemment, depuis son domicile new-yorkais.

J’ai travaillé avec tellement de gens dans les années qui ont suivi ma rencontre avec Bryan et j’ai fini par remarquer qu’il y a beaucoup de gens qui sont talentueux mais qui n’ont aucune ambition, et beaucoup de gens qui sont ambitieux mais qui n’ont pas de talent. Ça prend les deux.

Jim Vallance

Avant de faire exploser la banque avec le troisième et le quatrième album de Bryan Adams, Cuts Like a Knife (1983) et Reckless (1984), le duo subsistera grâce aux interprétations de ses chansons qu’enregistrent des artistes majeurs, dont KISS. Adams et Vallance cosignent ainsi Rock and Roll Hell et War Machine avec Gene Simmons (vous avez bien lu) sur Creatures of the Night (1982).

Grâce aux refrains titanesques de Run to You, Heaven ou Summer of ’69, Bryan Adams s’installera bientôt à demeure, sous son propre nom, au sommet des palmarès de la planète, ainsi que dans l’esprit de millions de fans. Une conquête intimement liée, analyse Vallance, aux nombreuses heures durant lesquelles les camarades se sont claquemurés dans son sous-sol, de midi à minuit et sans jour de congé, à peaufiner le moindre détail. Seul mot d’ordre : la meilleure idée doit toujours l’emporter, peu importe sa paternité.

« Ce que j’essaie de planter dans l’esprit des jeunes auteurs-compositeurs lorsque je donne des formations, c’est d’abord l’importance du travail, explique-t-il. Souvent, on me présente une chanson en me demandant : “Qu’est-ce que t’en penses ?”, et la plupart du temps, je suis obligé de répondre que c’est un bon début, mais qu’il faut maintenant y mettre du temps, faire fructifier cette idée. »

L’autre chose dont je parle aux débutants, c’est l’importance du refrain et du titre d’une chanson. Après un premier couplet et un premier refrain, les auditeurs devraient être en mesure de répondre à la question : quel est le titre de la chanson ? Si ce n’est pas le cas, tu as mal fait ton travail.

Jim Vallance

Réécouter les premiers albums à succès de Bryan Adams, c’est aussi constater à quel point le son de la radio, en 2022, s’est considérablement aminci, alors que tout chez le Canadien semble en contrepartie avoir été enregistré dans un hangar à avions.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Bryan Adams en février 2015 au Centre Bell

C’est ce qui se produit quand tu enregistres de véritables instruments. C’est une formule éprouvée à laquelle je suis encore fidèle. Lorsque je retourne aux albums qu’on a faits au moment où on découvrait les synthétiseurs, je me rends compte qu’ils vieillissent mal. Traite-moi de vieux hippie si tu veux, mais j’aime ça au naturel !

Bryan Adams

Après avoir pris leur chemin respectif durant la décennie 1990, Bryan Adams et Jim Vallance renouaient en 2003 en amont de la création de l’album 11. Ils cosignent aujourd’hui trois chansons sur So Happy It Hurts, 15e disque du rockeur paru en mars dernier, et feront leur entrée au Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens le 24 septembre au Massey Hall de Toronto, parmi une cohorte formée de Daniel Lavoie, Alanis Morissette et David Foster.

Fidèle admirateur de Bob Dylan, toujours sur la route à 81 ans, Bryan Adams, 62 ans, s’imagine aisément lui emboîter le pas. « Des gens comme Bob Dylan ou Mick Jagger m’inspirent non seulement comme musiciens, mais aussi comme êtres humains. Ils nous montrent qu’il n’est pas nécessaire de mettre une échéance à notre créativité : on peut choisir de continuer tant et aussi longtemps que les idées percolent. »

À Trois-Rivières, Alma, Québec et Montréal, du 7 au 12 septembre.

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