Samedi soir, la rappeuse Calamine foulera la scène de l’Esplanade du Parc olympique à l’occasion de Fierté Montréal. Tête-à-tête avec l’artiste féministe et anticapitaliste autoproclamée, qui a lancé l’album Lesbienne woke sur l’autotune le mois dernier.

La Révélation Radio-Canada 2021-2022 nous reçoit, chemise colorée, casquette et tête rasée, dans un café à deux coins de rue du marché Maisonneuve. Julie Gagnon, de son vrai nom, passe ses journées tout près de là : depuis quelques années, Hochelaga est devenu son quartier général. Elle lui a d’ailleurs dédié deux chansons de son premier album, Boulette Proof. C’est que, comme la plupart des artistes hip-hop, Calamine parle de sa réalité. Toutefois, la bachelière en arts visuels est bien différente des autres rappeurs d’ici.

Pour preuve : son nouveau disque aborde son lesbianisme. Pas moins de quatre titres y font référence : Lesbienne woke sur l’autotune (la chanson-titre), Officielle Gouine, Bad B*tch et Bad B*tch II (pour butch – expression péjorative employée pour désigner un prétendu garçon manqué).

La multi-instrumentiste — elle joue de la guitare, du banjo et de la batterie — voulait ainsi créer un album de « rap de gouine ». Un « chunk de culture étrange », dit-elle, mais elle avait envie que cela existe. Elle voulait également briser les tabous, désacraliser les termes qu’elle emploie et dédramatiser la situation.

D’ailleurs, Calamine a récemment dénoncé une manifestation d’homophobie survenue au bar Le Dagobert, à Québec. « C’est pour ça qu’on ressent encore la nécessité de faire des tounes de gouine », a-t-elle écrit sur son compte Instagram.

L’ascension de la rappeuse a été quasi immédiate. En pleine pandémie, elle a participé deux fois au concours Les Francouvertes, dont une, en 2021, où elle est arrivée en deuxième position. La même année, elle a été nommée Révélation Radio-Canada, en plus de recevoir le prix Félix-Leclerc de la chanson.

C’est allé tellement vite que je ne m’en suis pas rendu compte. Ma petite life est quand même ordinaire. J’fais du bicycle autour de mon bloc dans le Chlag [Hochelaga]. Je crisse rien.

Calamine, au sujet des prix qu’elle a récemment gagnés

Une réalité qui se ressent lorsqu’elle rappe à propos de sa coloc ou des transports en commun. Il est vrai qu’elle tient beaucoup plus de la citoyenne ordinaire que de l’artiste que l’on voit partout.

« Amenez-en, des questions politiques ! »

Difficile de parler de musique avec Calamine sans parler de politique. En une heure, nous avons discuté d’anarchisme, de décolonisation et de réappropriation. « Je m’en sacre de parler de mon plus beau souvenir à 5 ans, dit-elle en référence à certaines entrevues avec des journalistes. Amenez-en, des questions [politiques]. Ça me stimule. »

Son jazz rap entremêlé d’Auto-Tune plaît par ce côté engagé. En effet, Calamine amène un vent de fraîcheur dans la scène hip-hop québécoise avec ses textes qui prêchent la décroissance et la non-binarité.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

La rappeuse Calamine

Je pense qu’on a accroché des femmes et des personnes queers qui, a priori, n’étaient pas une crowd de rap. Ça fait du bien d’avoir cette proposition-là.

Calamine

Son approche ? Aborder des enjeux de façon ludique. « Ça passe à plus vaste échelle que si je faisais du gros “trap de féministe frustrée” », ironise la rappeuse au rire contagieux. Et elle le fait tellement bien que même les personnes qui ne sont pas d’accord avec son discours peuvent aimer sa musique. D’ailleurs, elle demeure surprise de ne « pas vraiment » avoir de détracteurs.

Parallèlement, la rappeuse se demande si elle n’est pas en train de prendre la place des autres artistes hip-hop dans les festivals et dans les médias. « Je suis parfaitement consciente que je bénéficie d’une tête qui passe bien », avoue-t-elle.

Calamine raconte que dans un festival auquel elle a récemment participé à Trois-Rivières, un journaliste s’est réjoui qu’il n’y ait que des têtes d’affiche issues du hip-hop : « C’est hot qu’on soit rendus là », lui a-t-il dit. « Mais on a tous la même tête, lui a-t-elle répondu. Souldia, FouKi, Koriass pis moi… Les beaux Blancs rasés ! »

Curieux de l’entendre ? Elle sera aux côtés d’Ariane Moffatt, de Sarahmée et de Laura Niquay sur l’Esplanade du Parc olympique samedi dans le cadre du concert FeminiX du festival Fierté Montréal.

Consultez la page du concert