Le festival Nuits d’Afrique devait se clôturer dimanche au son de la musique énergisante de Yemi Alade. Finalement, le spectacle de l’autrice-compositrice-interprète nigériane, qui cumule plus de 400 millions de vues sur YouTube, n’aura pas lieu. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a refusé la demande de visa de l’artiste et de son groupe.

Suzanne Rousseau, directrice générale du Festival international Nuits d’Afrique, a espéré jusqu’au dernier moment un dénouement heureux à ce casse-tête bureaucratique. Jeudi, la nouvelle est malheureusement tombée : l’étoile montante de l’afropop Yemi Alade n’avait pas obtenu le visa tant convoité.

L’équipe du festival a pourtant fait des pieds et des mains pour que la tête d’affiche du spectacle de clôture puisse être présente à Montréal dimanche, assure la directrice générale. Elle a suivi assidûment la demande de visa faite à Nairobi, au Kenya. Elle a obtenu l’appui de la députée fédérale Rachel Bendayan dans le processus, comme l’organisation a désormais l’habitude de le faire dans des cas semblables.

Début juillet, la demande de Yemi Alade et de son groupe a été refusée. « Le 12 juillet, on a redéposé une demande avec son agente, explique Suzanne Rousseau. On a demandé de réévaluer le dossier de Yemi pour qu’elle vienne seule. » Le verdict est demeuré inchangé.

Aux États-Unis, mais pas au Canada

La directrice générale de Nuits d’Afrique ne comprend pas pourquoi l’artiste nigériane a obtenu un visa américain, mais pas canadien.

La raison donnée pour refuser Yemi Alade et son groupe ?

C’est vraiment une raison standard qu’ils écrivent. Ils disent qu’il faut qu’ils prouvent que financièrement ils sont assez solides pour montrer qu’ils vont retourner dans leur pays d’origine et qu’ils ne vont pas rester au Canada. Ce sont des artistes qui sont habitués de tourner. C’est un peu ironique.

Suzanne Rousseau, directrice générale de Nuits d’Afrique

Mme Rousseau souligne que depuis cinq ou six ans, le processus pour l’obtention des visas est beaucoup plus ardu. « On est obligés d’appuyer les suivis avec notre députée fédérale parce que c’est trop lent, il y a trop d’étapes, c’est compliqué », déplore-t-elle.

Selon la directrice, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada souhaiterait recevoir les demandes de visa six mois avant le début du festival. « C’est ridicule », souffle-t-elle, soulignant que la programmation n’est même pas arrêtée à ce moment-là.

« J’aimerais que les festivals qui reçoivent des groupes de l’international puissent s’asseoir avec le gouvernement pour trouver des solutions pour le futur pour la venue des artistes. »

L’absence de Yemi Alade a obligé l’organisation à élaborer rapidement un plan B. « Il fallait trouver une artiste qui intéresse le même public cible, qui représente la jeunesse africaine », précise la directrice générale. C’est finalement Sampa The Great qui clôturera l’évènement.

Lenteurs

Cette année, d’autres festivals ont aussi dû annuler la présence d’artistes en raison de problèmes liés aux visas. C’est le cas notamment des membres du groupe ukrainien DakhaBrakha, qui devait faire une prestation au Festival d’été de Québec. Selon Samantha McKinley, vice-présidente aux communications, ils n’ont pas réussi à obtenir leur visa dans les délais prescrits. Elle remarque d’ailleurs que « cette année, la plupart des visas sont rentrés à la dernière minute. […] C’était moins fluide que par les années passées ».

En mai, le Festival international de musique actuelle de Victoriaville a également dû annuler la présence d’un groupe ukrainien. L’une des membres de Dakh Daughters, réfugiée à Paris en raison de la guerre, n’a pas réussi à obtenir son visa à temps… même si sa demande a été acceptée.

« Les règles sont très strictes. Tout fonctionne selon une procédure inébranlable », estime Michel Levasseur, directeur général et artistique du festival.

Pour mettre la main sur le visa, il faut notamment envoyer le passeport par la poste et prendre rendez-vous avec l’ambassade, explique-t-il. Une procédure qui peut prendre jusqu’à 30 jours, selon les informations qu’il a reçues. Un délai trop long pour l’artiste ukrainienne, qui a fait sa demande un mois avant le festival. Même en se présentant à l’ambassade, elle n’a pas pu obtenir son visa.

« Ça a été très stressant pour tout le monde. Très malheureux aussi pour ces artistes qui essaient de continuer à vivre de leur art », se désole M. Levasseur.

De son côté, le Festival de musique émergente, qui se tiendra du 1er au 4 septembre à Rouyn-Noranda, croise les doigts pour ne rencontrer aucun obstacle du genre. « C’est un stress qu’on a, c’est certain », indique Andrée-Anne Laroche, coordonnatrice à la programmation. Elle confirme que certains artistes internationaux qui se produiront sur scène n’ont pas encore leur visa.

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada n’a pas répondu à la demande d’entrevue de La Presse.