Ça chauffe depuis mardi dernier au centre-ville de Montréal. Rien de plus normal quand le festival Nuits d’Afrique s’y installe…

Yemi Alade, grande star africaine du moment et concert prévu pour la clôture de cette 36édition, s’est fait refuser son visa d’entrée au Canada. Déception. Mais cela ne doit pas faire ombrage à la qualité de la programmation.

Bien sûr, les artistes qui ont joué et joueront en salle, au Club Balattou, au Théâtre Fairmount, au Gesù ou au MTelus (Tiken Jah Fakoly) ont leur mot à dire dans le succès annoncé de cette édition retrouvailles. Mais dans la rue, on ne s’est pas ennuyé.

Mardi soir, le Burkinabé Kabey Konate et son groupe Farafina Roots étaient en parfaite adéquation avec les sonorités traditionnelles mandingues, portés par la sagesse des anciens et le reggae qu’il a mis de l’avant avec sa voix chaude et rocailleuse. On a eu droit à un enivrant solo de sa violoniste en fin de set, un moment qui a semblé éveiller les esprits et qui a obtenu la clameur du public.

À un jet de pierre, sur la scène de l’esplanade Tranquille, encore un violon, diabolique celui-là, d’Elisabeth Rodriguez, élément indissociable de la musique du duo cubano-canadien Okan.

Vitaminés aux percussions de Magdelys Savigne, les agencements de danzón et de guajira aux épices antillaises et africaines d’Okan repoussent plus loin les frontières de l’afro-cubain. Public captif et festif pour ces deux bibittes fouineuses qui ont remporté le prix Juno du meilleur album de musique du monde en 2021.

Le multi-instrumentiste haïtien Wesli, établi au Québec depuis 2001, a quant à lui enveloppé la brunante avec son amalgame de genres, afro-beat, funk et reggae, qui cohabitent harmonieusement avec les traditions vaudoues et l’usage du cornet, cet instrument des ensembles rara du folklore haïtien. Avec l’ajout d’un saxophone et d’une trompette, les ponctions plus funky de sa musique s’attaquent à nos corps et inondent la foule d’une fraîcheur revigorante. En voilà un qui ne se contente pas de prendre le train en marche.

Femi Kuti, ardent défenseur de l’afro-beat de son père, Fela, s’est pointé avec ses trois danseuses et chanteuses et une armada de cuivres qui klaxonnaient là où ça fait du bien. Ils étaient bien une douzaine à nous balancer ces rythmes qui tuent aux imparables arrangements. Très énergique et dansant, funky par moments, un devant de scène bondé, le pari était remporté à la troisième chanson. Grosse ambiance et concluantes retrouvailles pour cette nouvelle escale montréalaise du Nigérian.

Pour les oreilles et pour l’odorat

Jeudi soir, Joyce N’sana était particulièrement en verve avec ses blues coup de poing et sa voix à la Janis Joplin qui ont fait vivement réagir. Comme une Bessie Smith d’un autre temps, elle faisait participer la foule enthousiaste qui répondait par des yeah ! à chaque couplet de la chanteuse, dont le tour de chant ressemblait à une séance d’exorcisme, avec une voix qui reste en l’air au lieu de redescendre. Tout cela mélangé aux traditions musicales du Congo ! Une performance héroïque et flamboyante pour la Révélation Radio-Canada 2021-2022.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Spectacle de Joyce N’sana dans le cadre du festival Nuits d’Afrique

Le collectif montréalais d’Algérie Syroko, vainqueur du prix Syli d’Or de la musique du monde remis sur scène par le fondateur du festival, Lamine Touré, a aussi marqué cette 36édition avec une cohésion remarquable entre les instruments, accordéon, violon, guitares, percussions. La diaspora algérienne lui a bien fait sentir sa présence, surtout lorsqu’il a entonné Ya Rayah, l’hymne, le classique qu’avait repris naguère Rachid Taha.

Affluence remarquable, avons-nous par ailleurs observé aux abords des deux scènes érigées dans la portion est du Quartier des spectacles.

Le Parterre symphonique et son espace convivial gazonné font le bonheur des familles. Les effluves des grillades antillaises et africaines et la toute nouvelle esplanade Tranquille et son splendide marché Tombouctou, qui étale ses plus beaux vêtements colorés et ses objets d’art, sont un épicentre des festivités jusqu’à dimanche, dernier jour du festival.

Les yeux des guetteurs sont maintenant tournés vers les Afro-Colombiens Bumaranga, ce samedi, et la Congolaise Naxx Bitota dimanche.

La Nigériane Yemi Alade sera de son côté remplacée par la jeune rappeuse Sampa Tambo, dite Sampa the Great, dimanche soir 21 h 30, sur la scène TD-Radio-Canada, en clôture de festival.

La Zambienne expatriée en Australie décochera quelques flèches vindicatives de son cru en incorporant dans son hip-hop groovy les styles kalindula et kwaito, en passant par le trap et le R&B. On ne s’étonnera guère qu’elle ait été invitée aux prestigieux festivals de Glastonbury en Angleterre et Coachella en Californie.

Très belle reprise à la volée de la part de Nuits d’Afrique.